Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/928

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui se manifestent d’atome à atome que les chimistes contemporains fondent leurs essais de classification des élémens. Grâce à l’étude de leur poids atomique, ce qu’on savait déjà a pu être expliqué et coordonné tandis que de nouveaux points ont été mis en lumière. L’existence de substances simples encore inconnues a été pressentie, et quelque temps après le spectroscope les signalait. Isolés ensuite et attentivement étudiés, ces nouveaux métaux se rangeaient docilement à k place même que le calcul leur avait assignée, sans que leur nature et leurs fonctions s’écartassent beaucoup du type hypothétique indiqué d’avance. Quoique la comparaison soit un peu ambitieuse, nous ne pouvons nous empêcher de penser à Le Verrier, ancien chimiste devenu astronome, découvrant Neptune et prédisant avec exactitude la situation et la masse de sa planète. Toutefois, nous ne dissimulerons point, dans notre brève exposition, les défauts et les lacunes qui choquent encore à bon droit nombre de savans et des moins sceptiques. Aux chimistes du XXe siècle il appartiendra de corriger ou d’expliquer ces imperfections, et l’entreprise ne semble pas impossible.

Si les poids absolus de l’atome d’hydrogène et de l’atome de soufre sont parfaitement inconnus, la science actuelle n’en est pas moins arrivée à indiquer, au moyen de déductions assez complexes, mais d’une certitude absolue, que le second pèse exactement trente-deux lois plus que le premier, et ainsi de suite pour toutes les matières fondamentales. On convient arbitrairement que le poids atomique de l’hydrogène vaut 1 ; alors tous les nombres analogues applicables aux autres matières simples sont des entiers plus grands que 1, parfois accompagnés de fractions. Les chiffres, fort inégaux d’ailleurs, qui conviennent à chaque métalloïde ou métal, varient depuis 7 (lithium) et 9.4 (glucinium) jusqu’à 207 (plomb), 210 (bismuth), 234 (thorium) et 240 (uranium). La série finit actuellement par ce dernier[1].

Examinés superficiellement, ces chiffres, qui semblent extraits au hasard d’un sac comme des numéros de boule de loto, ne fournissent

  1. Dulong et Petit ont trouvé que, pour échauffer de 1 degré de température 7 grammes de lithium, 32 grammes de soufre, 207 grammes de plomb, etc., en un mot des masses de chaque corps simple solides, proportionnelles à leurs poids atomiques respectifs, il fallait dépenser des quantités égales de chaleur. Plus l’atome est léger, plus la capacité calorifique s’accroît et la compensation est régulière. Cette belle loi naturelle n’est pas susceptible d’un énoncé simple, si on remplace les poids atomiques par les anciens équivalons. Ses perturbations elles-mêmes peuvent être atténuées ou expliquées. D’après MM. Wiebe et Pictet, des formules peu complexes relient les poids atomiques et les densités des matières élémentaires solides, aux coefficiens de dilatation linéaire de ces mêmes substances, à leurs températures de fusion, à leurs chaleurs latentes de changement d’état, etc.