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de l’ordre financier aussi bien que des plus simples garanties libérales. Ils ont eu pour eux et la force des traditions qu’ils représentent et les fautes accumulées par leurs adversaires dans un règne de quelques années. Le pays a fini par se lasser de ceux qui, après lui avoir tout promis, ne lui ont donné que les misères d’un mauvais gouvernement, et les conservateurs ont visiblement profité de cet ébranlement d’opinion. C’est l’explication de leurs succès du mois d’octobre dernier, et, si le mouvement qui s’était si vivement dessiné, il y a près d’un an, semble aujourd’hui sinon interrompu, du moins à demi ralenti, il faut bien qu’il y ait quelque raison. La raison est tout simplement que cette manifestation d’octobre n’a pas produit tout ce que le pays en attendait, qu’on n’a su peut-être ni comprendre ni utiliser ce retour d’opinion, ce commencement de victoire, pour le bien de la France. Les conservateurs, qui revenaient à rangs pressés au parlement, se trouvaient sans doute dans des conditions difficiles. Il est malheureusement trop clair qu’ils ont fait une rentrée un peu confuse, qu’ils n’ont eu ni des chefs pour les conduire, ni une tactique bien réfléchie. Ils n’ont pas toujours eu des interventions heureuses, et ils ont laissé échapper quelquefois les occasions favorables. Ils n’ont pas compris surtout que leur vrai rôle était d’éviter tout ce qui ne pouvait servir à rien pour le moment ou ce qui pouvait être exploité contre eux, de s’armer des griefs du pays, de se maintenir obstinément sur le terrain des affaires et des intérêts publics, où ils étaient inexpugnables. Leur rôle était de mener une campagne serrée et utile, de s’occuper beaucoup moins de faire la guerre aux institutions, d’avoir des séances brillantes ou orageuses, que de se servir de la légalité constitutionnelle pour redresser ou relever la politique de la France. Ils ont souvent dissipé leurs forces en escarmouches sans profit, ils n’ont rien obtenu, et c’est ce qui explique le mieux peut-être cette apparence de ralentissement du réveil conservateur qu’on a pu voir aux élections récentes, qui est tout au moins un signe à observer et à méditer.

C’est, si l’on veut, à un certain degré, la moralité du scrutin du 1er août, et ce qui est vrai pour les conservateurs, qui sont aujourd’hui l’opposition, l’est tout autant, d’une autre façon, pour les républicains, qui sont le pouvoir. Les républicains, eux non plus, n’ont rien gagné aux élections. Ils ont tout au plus gardé leurs positions, parce qu’ils les ont, parce qu’ils disposent de toutes les forces de gouvernement et d’administration, parce qu’ils ont usé et abusé de tous les moyens d’influence que donne le pouvoir. Avec leurs ressources et leur armée de fonctionnaires, d’agens de toute sorte réduits au zèle obligatoire sous peine d’épuration, ils n’ont réussi qu’à se maintenir. M. le ministre de l’intérieur et les optimistes qui font toujours cortège au gouvernement peuvent se complimenter d’un résultat qu’ils considèrent comme un avantage signalé, peut-être parce qu’ils craignaient une défaite plus