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constitué un titre à leur faveur, si son voyage à Londres n’eût pas prouvé que, loin de vouloir demeurer inactif, il cherchait à se rendre utile.

Dans les entretiens qu’il eut avec eux, il fit étalage de son zèle pour les intérêts du roi; il affirma « qu’il n’avait jamais cessé d’avoir pour base de ses actions le rétablissement de la monarchie ; » il manifesta ses ressentimens contre les hommes qui gouvernaient la France. Il parlait comme avait parlé Pichegru, avec plus d’énergie encore. Son langage révélait un indomptable besoin d’agir. Le comte d’Artois le présenta aux ministres anglais. Ils lui promirent de l’employer. Ils lui demandèrent même quels étaient ses désirs à cet égard. Il répondit qu’il lui serait aisé de se former un parti dans les provinces méridionales : « Le Béarn, les Pyrénées, le Dauphiné, la Provence, lui étaient militairement connus. Il comptait sur les officiers qui résidaient dans ces contrées. » Ils n’hésiteraient pas à s’unir à lui ; et, quand il se présenterait à leur tête aux populations, elles se soulèveraient à sa voix[1].

Il parlait avec tant d’assurance qu’on le crut sur parole. On reconnut que son plan méritait d’être pris en considération ; mais on lui objecta qu’il fallait en ajourner l’exécution jusqu’au moment où, la coalition étant définitivement conclue, on pourrait décider par quel côté ce plan particulier serait rattaché au plan général à l’effet de le seconder.

Les objections faites à Willot renouvelaient, sous une autre forme, celles qu’on avait faites à Pichegru quand il s’était avisé de demander la reconnaissance préalable du roi. De nouveau se manifestait ainsi l’intention du cabinet britannique, arrêtée d’accord avec l’Autriche, de ne se servir des royalistes, pour rétablir la monarchie, que lorsque le succès des alliés serait assuré et s’il était démontré que les Bourbons comptaient en France un puissant parti.

Pichegru avait pressenti cette intention ; il était parti sans en être alarmé. Il espérait la dissiper par la suite. Willot commença par concevoir une espérance analogue. Il abandonna même l’idée de la reconnaissance du roi, qu’il avait d’abord défendue. Mais, sous cette réserve, il s’attacha à réfuter les raisons à l’aide desquelles on essayait de justifier l’ajournement de ses projets. Il croyait qu’on pouvait réussir par une entreprise subite et hardie. Peut-être même y avait-il quelque exagération dans l’ardeur avec laquelle il défendait sa conviction, essayait de la faire partager. « Ses paroles et ses actes, a dit un de ses contemporains, prenaient trop l’empreinte de

  1. Ces détails sont extraits des rapports que les agens de Louis XVIII, à Londres, envoyaient à Mitau, et que le cabinet du roi réexpédiait à Saint-Pétersbourg,