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averti que les puissances songeaient à mettre un usurpateur sur son trône[1], qu’il s’occupait de nouveau de la déclaration qu’il adresserait à son peuple en entrant en France :

« Deux choses me paraissent nécessaires, écrivait-il au tsar dans la seconde moitié de cette année 1799, si pleine de grands événemens : l’une de rassurer mes sujets contre les projets de vengeance que mes ennemis n’ont pas manqué de m’attribuer, l’autre d’établir un ordre quelconque qui me donne le temps d’examiner ce qu’il sera possible de rétablir de l’ancien régime et même de conserver du nouveau. J’ai pensé que le seul moyen de remplir ce second objet était de laisser provisoirement subsister l’ordre administratif et judiciaire sur le pied où il sera, en supprimant tout ce qui sera contraire à la religion et aux bonnes mœurs et en substituant partout les formes royales aux républicaines.

« Ma déclaration porterait donc : 1° ce provisoire ; 2° le renouvellement de la promesse que j’ai déjà faite d’une amnistie. Sur cet article important, je m’exprime ainsi dans les instructions qui sont dans les mains de mon frère : vous garantirez mes sujets que la publication d’une amnistie générale leur annoncera mon retour et que, parmi les auteurs des crimes qui sont exceptés par une déclaration de 1795, ceux qui mériteront que la France leur pardonne n’auront plus à redouter ma justice ; 3° la promesse aux généraux, officiers et soldats qui embrasseront ma cause de leur conserver leurs grades et emplois et même de leur donner des récompenses proportionnées à leurs services. »

Les nouvelles que le roi recevait de l’intérieur au moment où les alliés menaçaient de toutes parts les frontières de la France n’étaient pas pour ébranler sa confiance dans un dénoûment prochain. Au mois de juillet, on lui rendait compte de l’excellent esprit des troupes casernées dans Paris sur divers points du territoire, de la puissante organisation des forces royalistes. Les hommes sur lesquels on pouvait compter avaient été divisés en trois catégories, comprenant la

  1. Les rumeurs qui circulaient à ce sujet étaient aussi fréquentes que variées. L’Autriche fut accusée d’avoir voulu donner la couronne de France à l’archiduc Charles, la Prusse de préférer à ce dernier le duc de Brunswick. En septembre 1799, un rapport arrivé de Paris à Mitau raconte sérieusement que, dans un conseil tenu au Directoire, auquel assistaient des généraux et des députés, on avait reconnu l’impossibilité de maintenir la république et la nécessité de rétablir la monarchie. Tour à tour avaient été discutées les candidatures du duc d’Orléans, du duc d’York, du duc de Brunswick et d’un infant d’Espagne. Sieyès seul avait défendu le roi légitime, que soutenait Paul Ier . « La Prusse, disait le même rapport, tient pour le duc d’Orléans, qui, en montant sur le trône, épouserait une sœur du monarque prussien. » Il y a lieu de constater que le roi de Prusse n’avait pas de sœur. Pour l’honneur de la maison d’Orléans, nous devons ajouter que les princes de ce nom restaient étrangers à ces intrigues sans consistance, ainsi que le prouvera leur soumission solennelle au roi en février 1800.