Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la république et avec les républicains. La monarchie seule peut remettre l’ordre partout, garantir tous les intérêts, raviver la confiance publique, relever le crédit de la France. La monarchie est le Porro unum necessarium. Soit, c’est entendu ! qu’on rétablisse donc au plus lot la monarchie, si on le peut, — et si on ne le peut pas, à quoi conduit pratiquement cette politique d’irréconciliabilité à outrance ? Pour les bienfaits d’une restauration monarchique qu’on n’est pas maître d’accomplir, on renonce au bien qu’on pourrait faire. On est bien obligé de subir les inconvéniens qu’on attribue à la république et on se refuse les avantages d’une légalité constitutionnelle qu’on ne peut pas changer, dans laquelle on est forcé de vivre. Le mieux serait assurément de parler un peu moins de ce qu’on ne peut pas faire, de disserter moins bruyamment sur la république ou la monarchie, et de s’occuper un peu plus du pays, qui attend, qui travaille et qui souffre, qui ne demande qu’à être respecté et protégé dans ses croyances, dans ses traditions, dans ses intérêts. C’est peut-être une politique assez modeste ; c’est, dans tous les cas, une politique de nécessité, de transaction pratique et de prévoyance qui met le bien du pays au-dessus des petites tactiques et des entraînemens de parti.

Aux yeux de certains monarchistes à outrance, la proposition de M. Raoul Duval et de ses amis a l’irréparable tort de ne pas commencer par une déclaration de guerre à la république ; aux yeux de certains républicains, même de républicains qui prétendent être modérés, elle a l’impardonnable défaut d’une origine suspecte, d’une étiquette encore trop conservatrice. Ce n’est pas, grand Dieu ! qu’ils ne soient des conservateurs : ils le répètent assez, ils ne rêvent que de rétablir l’ordre et de constituer enfin un gouvernement, — sans doute parce que tout cela n’existe guère. Ils ne déguisent pas leur antipathie contre les radicaux, qui les pressent et les font passer sous le joug. Ils sentent que la scission des forces conservatrices est la faiblesse de la république, et voilà le chef de ces politiques, M. Jules Ferry, renouvelant une fois de plus ses prétentieuses déclarations : « Il faut à une république bien constituée un parti conservateur. Tempérer la démocratie, la modérer, la contenir est un noble rôle ; mais, pour le remplir, il ne faut pas se séparer d’elle… » Comment accueille-t-il cependant ceux qui, précisément, offrent de ne pas se séparer de la démocratie ? Comment ces républicains entendent-ils la réconciliation des conservateurs avec la république ? C’est, en vérité, bien simple ; ils ont leur manière d’entendre la conciliation. Qu’on ne leur demande pas, par exemple, de rassurer les opinions conservatrices, d’avouer qu’ils ont pu se tromper, de renoncer aux proscriptions des princes, aux guerres religieuses, à la confiscation de la liberté des pères de famille dans l’enseignement, — ils vous diraient que vous ne parlez pas