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sérieusement ; plutôt que de renoncer à cette politique, ils préféreraient aller voter encore une fois avec M. Basly et M. Camélinat ! De sorte que ce que les républicains demandent aux conservateurs, c’est tout simplement de se soumettre à leur loi, de s’associer à leurs passions, de sanctionner leurs violences et leurs fautes. Voilà la conciliation et la conservation telles que les comprennent les républicains ! Entre ces exigences et ces prétentions de partis extrêmes, l’œuvre que se proposent M. Raoul Duval et ses amis n’est point certainement facile. Est-ce à dire qu’elle soit impossible ou inutile ? Elle aura peut-être au premier moment le sort de toutes les tentatives modérées ; elle a, dans tous les cas, le mérite de s’inspirer du plus sérieux sentiment politique, de répondre à tous les instincts d’un pays fatigué d’agitations, de violences, d’abus de toute sorte, et impatient de retrouver des hommes publics plus occupés de ses intérêts que de leurs vaines tactiques.

Que les affaires de la France, toujours subordonnées aux plus vulgaires calculs des partis, soient assez pauvrement conduites et que notre pays souffre dans ses intérêts, dans sa dignité, dans son action extérieure des misères de la politique intérieure, on n’en peut malheureusement douter. Nous, Français, nous le sentons bien à la médiocrité du rôle qu’on nous fait, à voir le peu que pèse notre influence dans les grands débats du monde. Nous payons, par notre effacement dans les questions les plus sérieuses de diplomatie, la rançon de nos] divisions intestines. Il faut bien avouer aussi que les difficultés ne sont pas pour nous seuls, que les affaires de l’Europe ne sont pas toujours dans un brillant état, et même, avec un peu de cet orgueil qu’on nous reproche souvent, nous pourrions peut-être nous dire qu’une partie des incohérences de la politique européenne tient précisément à ce que la France n’a pas la position qu’elle devrait avoir. Toujours est-il que ce n’est sûrement pas la France qui crée des embarras aujourd’hui et que les embarras n’existent pas moins un peu partout, dans tous les pays, surtout dans les relations générales. Oh ! sans doute, il y a une apparence, d’ordre qui tient à un certain équilibre des ambitions et des prépotences. Il y a de grands empires qui se concertent périodiquement pour décider à deux ou à trois des destinées du monde ; il y a des empereurs et des chanceliers qui se visitent, qui ont des entrevues et des conférences à Skierniewice et à Kremsier, à Gastein, à Kissingen ou à Franzensbad. La paix a provisoirement de puissans gardiens qui se chargent de faire la police ; tant que ces gardiens sont d’accord, les grands conflits sont nécessairement peu à craindre. On sent bien cependant que cette vie européenne telle que les événemens l’ont faite depuis nombre d’années est pleine de troubles mal déguisés, qu’il n’y a d’autre droit que la force, que les plus puissantes combinaisons ne sont qu’un laborieux artifice et les efforts mêmes qu’on se croit obligé