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la cour impériale des soucis qu’elle n’avait pas recherchés. Les torts du prince Liechtenstein étaient évidens. Quant à Villars, on n’avait rien à lui reprocher : toujours maître de lui, il se contenta de se plaindre à Kaunitz de l’affront qu’il avait subi et de l’avertir qu’ayant pris les ordres du roi, il les attendait en silence.

La réponse du roi, datée du 11 février, arriva à Vienne le 25. Elle était d’une grande hauteur. Louis XIV exigeait que le prince Liechtenstein vînt à la légation de France exprimer à son envoyé « son déplaisir de ce qui s’était passé et d’avoir manqué au respect dû à son caractère. » Tant que cette satisfaction n’aurait pas été obtenue, Villars avait l’ordre de suspendre tout commerce d’affaires avec les ministres de l’empereur.

Cette demande du roi jeta la cour dans un grand embarras, non qu’elle la trouvât excessive : elle ne défendait pas l’acte du prince Lichtenstein, qui avait agi de son propre mouvement et contre les convenances les plus élémentaires ; mais la forme de la satisfaction demandée soulevait une grave question d’étiquette. D’après les usages espagnols en vigueur à la cour impériale, l’ajo de l’archiduc ne pouvait sortir du palais sans l’archiduc et ne pouvait rendre de visites que lorsqu’il accompagnait le prince confié à sa garde. Déroger à cette règle, dans un milieu aussi étroitement formaliste, était un acte inouï dont aucun ministre ne voulait prendre la responsabilité. On s’efforça donc d’obtenir la modification de cette condition. Alors commença une longue et laborieuse négociation dont nous ne saurions suivre tous les détails. Tout fut mis en œuvre soit pour convaincre Louis XIV, soit pour agir sur Villars et l’amener à se départir des instructions très précises du roi. On lui offrit des satisfactions équivalentes, peut-être même supérieures, s’il consentait à renoncer à la visite de Liechtenstein ; Villars écarta toutes ces combinaisons avec autant de fermeté dans le fond que de modération dans la forme ; il montra un désintéressement qui ne lui était pas habituel, s’effaçant entièrement, écrivant au roi de faire servir l’incident à sa politique générale, soit qu’il désirât une rupture, soit qu’il poursuivît un accommodement avec l’Autriche sur la question espagnole. Louis XIV ne voulait pas rompre, mais il n’était pas fâché de faire durer un incident qui le dispensait de répondre aux embarrassantes ouvertures de Kinsky ; il pensait d’ailleurs, avec raison, que ses demandes étaient fort modérées ; il les maintint et prescrivit à Villars de quitter Vienne le 15 avril, si satisfaction ne lui était pas accordée. Le ministre autrichien s’adressa alors à Londres et à La Haye et pria les deux puissances maritimes d’agir officieusement à Versailles pour expliquer à Louis XIV les usages particuliers de la cour de Vienne et lui demander d’en tenir compte. Hemskerke, l’envoyé hollandais, en parla à Torcy : mis au courant