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Puis il avait développé un système qui consistait à donner à l’archiduc, outre l’Espagne et les Indes, le Milanais, Final et les ports de Toscane, enfin les Pays-Bas à échanger avec l’électeur contre la Bavière : le dauphin aurait eu Naples, la Sicile, et la Sardaigne à échanger contre la Lorraine. Sur le premier point, Kaunitz avait eu gain de cause ; il avait été convenu que Villars serait tenu au courant des négociations, quand même Sinzendorf serait chargé de les conduire à Versailles; mais, sur le second point, Kaunitz n’avait obtenu aucune résolution positive : l’attention qu’il avait eue pour Villars était restée sans application, car aucune négociation n’avait été sérieusement entamée, ni à Versailles, ni à Vienne : les conférences s’étaient succédé pendant toute la fin de 1699 et le commencement de 1700, sans que rien eût été décidé : l’empereur ne donnait aucune conclusion, par calcul autant que par inertie. Les velléités de conciliation qu’il avait semblé avoir au début avaient été subitement arrêtées en septembre 1699, par les démarches du roi d’Espagne. Charles II, informé des projets de partage, avait adressé à Londres une protestation indignée, avait rappelé (27 août) son ambassadeur et écrit à Léopold qu’il comptait sur sa fidélité ; l’empereur, dont toutes les espérances reposaient sur les sentimens de Charles II, s’était empressé de répondre qu’il ne souffrirait pas le démembrement de la monarchie, et s’était empressé d’éviter toute compromission avec les souverains prévoyans et sacrilèges qui, du vivant du roi, se partageaient ses dépouilles. Il s’était retranché dans un silence obstiné, confiant dans l’affection du roi d’Espagne et dans la protection divine, qui n’avait jamais manqué à sa maison : Oculis tamen videmus quod Deus multa operatus est pro Austria, auch in Spanîen. Sinzendorf avait seulement été autorisé à sonder la cour de France en lui faisant « comme de lui-même » quelques vagues propositions au sujet des Indes et du Milanais. Torcy n’avait eu qu’à demander à l’envoyé autrichien s’il parlait en son propre nom ou au nom de son gouvernement, pour que la conversation tombât d’elle-même. Elle n’avait pas été reprise.

En résumé, depuis deux ans, aucun commerce sérieux n’avait existé entre Léopold et Louis XIV ; ni l’un ni l’autre ne voulant, pour des causes que nous avons suffisamment fait connaître, prendre l’initiative d’un arrangement direct. Quant à un arrangement collectif, l’empereur se refusait à y participer : il était engagé vis-à-vis de Madrid par ses promesses et ses espérances, vis-à-vis de Londres, par ses résistances mêmes, par l’indignation que lui causait la trahison de Guillaume III. Le conseil était divisé; la minorité, conduite par Kaunitz, n’était pas éloignée d’accepter le traité, à condition toutefois que certaines modifications y fussent introduites, que Milan, par exemple, fût assuré à l’archiduc. La majorité