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première lettre de l’alphabet; 12 l’intervalle entre a et m. treizième lettre; 2 l’intervalle entre m et o, quinzième lettre; 3 l’intervalle entre o et r, dix-huitième lettre, cela fait amor ; mais ce n’est pas commode. Avec la notation grecque, on peut écrire une mélodie pourvu qu’on en connaisse la première note. Mais l’accumulation des signes y est telle qu’un morceau harmonisé ne peut en aucune façon être figuré aux yeux. Cette écriture exclut l’harmonie et l’orchestration, qui sont les deux grands moyens d’action de la musique moderne. Aussi la musique des Orientaux, au-delà de l’Adriatique, est-elle restée dans l’enfance, réduite à de courtes mélodies ou à des tours de phrase qui se répètent indéfiniment.

Comme un domaine fermé, la musique savante est demeurée la propriété exclusive des Occidentaux. Si Charlemagne avait épousé Irène, comme il en avait conçu le projet, les choses auraient tourné d’autre façon; car, de concert avec le pape Adrien, ce prince organisa le premier en France des écoles de chant et c’est de lui qu’on peut faire dater chez nous les institutions musicales. Il est vrai que ces écoles étaient ecclésiastiques ; mais il n’y avait pas encore de musique moderne à cette époque. En. outre, le mode majeur était né d’une modification du lydien dans les chants anciens, et le mineur prit naissance dans la musique liturgique par une altération de l’hypodorien. Il est donc vraisemblable qu’un même mouvement musical eût entraîné tous les peuples chrétiens et que, si ceux de l’Orient sont restés dans l’ornière, ils le doivent à leur isolement politique et religieux. La preuve se fait en ce moment : les écoles laïques des Grecs n’enseignent que notre musique, et l’on a relégué le chant liturgique dans le sanctuaire.


II.

A côté de la musique savante existe le courant que nous désignons par les mots « musique populaire. » Il faut s’entendre sur la valeur de cette expression. Dans ces dernières années, on a publié plusieurs recueils de chansons qualifiées de chants populaires, parce qu’elles sont en effet chantées par le peuple. Ce sont des airs majeurs ou mineurs avec des paroles très modernes, d’anciennes romances, des chansons de Désaugiers, de Béranger, de F. Bérat, de Pierre Dupont. Tous ces morceaux devenus vulgaires appartiennent à la musique savante. Ce n’est pas d’eux que nous parlons. Les vrais chants populaires sont généralement beaucoup plus anciens, ils se rencontrent dans les provinces, dans les villages plus que dans les villes. Les paroles que ces mélodies accompagnent sont le plus souvent dans les dialectes locaux, rarement dans la langue