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des écoles : véritablement, on a excédé les ressources disponibles, et il est arrivé un moment où l’on a reconnu la nécessité d’enrayer. » Dans un autre accès de franchise qui déplut singulièrement à la majorité, M. Tirard n’hésita pas à expliquer la désorganisation des finances par la coïncidence de dégrèvemens prématurés et irréfléchis avec l’exagération des dépenses : l’exposé des motifs du budget extraordinaire de 1884, qui posait en principe l’émission d’un emprunt d’au moins 300 millions, justifié par l’épuisement des emprunts antérieurs, était rempli de conseils de prudence, et d’aveux implicites. « Il nous serait impossible, disait ce document, de continuer avec le même entrain le système des dépenses extraordinaires sans nous exposer à de graves mécomptes. Nous devons agir avec d’autant plus de réserve et de prudence que, en dehors du budget sur ressources extraordinaires, nous avons à faire face aux engagemens de la caisse des lycées, collèges et écoles et de la caisse des chemins vicinaux. Ces deux caisses auront à fournir, en 1884, déduction faite des amortissemens, une somme qu’on ne peut évaluer à moins de 106 millions et qui devra être prise sur les ressources de la dette flottante. » La conclusion des conventions dispensait de pourvoir à l’exécution des chemins de fer qui en faisaient l’objet ; mais il restait à terminer le réseau de l’état et à poursuivre les travaux des ports, canaux, rivières, etc. Le ministre exprimait la pensée qu’il serait « utile de ne pas engager de nouveaux travaux avant l’entier achèvement de ceux qui étaient commencés. » Il motivait ainsi ce conseil : « Il importe d’agir avec prudence et de ne pas excéder la mesure que nous impose la situation économique et financière du pays. »

M. Tirard renouvela devant le sénat, en janvier 1884, ces aveux instructifs. « Je ne fais aucune espèce de difficulté de reconnaître, disait-il, que notre situation demande de grands ménagemens. » Il exprimait l’espoir que les évaluations des recettes se réaliseraient, mais, énumérant les divers projets de loi dont la chambre était saisie et qui tous devaient donner lieu à de nouvelles dépenses, il ajoutait : « Je n’hésite pas à le dire, et il faut qu’on soit bien pénétré de cette vérité : si l’on veut avoir un budget en équilibre, si l’on veut sortir de la situation qui a été faite aux deux derniers exercices, si l’on veut éviter des insuffisances de recettes par rapport aux dépenses, des déficits en un mot, il est absolument indispensable de ne pas augmenter nos dépenses. Si l’on était entraîné à voter les lois que je viens d’énumérer et dont les frais d’application s’élèveront à un total considérable, je ne crains pas de déclarer que, pour y faire face, il faudrait créer des ressources nouvelles. » Les votes que la chambre des députés a émis depuis deux ans ne font que donner plus de force à cette conclusion de M. Tirard : « Tout