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ce que vous pouvez espérer, c’est une augmentation de 10, 15 ou 20 millions sur les plus-values du budget. Si vous introduisez dans ce budget 80, 60 ou même 40 millions de dépenses de plus, il est incontestable qu’il se trouvera en déficit. » On sait qu’au lieu des plus-values, ce sont des moins-values qui se sont produites. S’animant ensuite au souvenir des attaques dont il avait été l’objet au sein de la chambre et de la part de divers journaux républicains, M. Tirard disait encore au sénat : « Il faut regarder cette situation en face et virilement. Il est absolument indispensable de ne pas se lancer en aveugles, de ne pas compter sur je ne sais quels événemens : sur des plus-values qui, je l’espère, se produiront et amélioreront la situation, mais qui, enfin, peuvent se faire attendre. Si nous avions encore de nouveaux déficits, cette situation pourrait empirer. Nous avons encore aujourd’hui quelques millions d’excédens sur des exercices antérieurs : j’estime qu’il est nécessaire d’en faire profiter la dette flottante. » Il lui semblait nécessaire, en effet, de ménager la dette flottante dont les ressources se trouvaient « fort amoindries. » Il renouvelait le conseil de ne pas imposer au gouvernement l’obligation de tout faire à la fois : il fallait « échelonner les dépenses et surtout en réduire le montant au plus strict nécessaire ; » il signalait enfin, comme une mesure indispensable, « de régler dans l’avenir » des dépenses qui n’avaient été jusqu’alors l’objet d’aucune règle. « La caisse des écoles, disait-il, a été alimentée jusqu’à présent par l’excédent des budgets antérieurs, de même que la caisse des chemins vicinaux l’a été par des fonds de la dette flottante, par des fonds de trésorerie. Je viens de vous dire quelles étaient les sommes énormes auxquelles cette trésorerie avait à faire face. Si vous les augmentez encore indéfiniment et pour des sommes considérables, nous risquons de nous trouver encore dans les mêmes embarras que nous rencontrons aujourd’hui. Il est donc absolument indispensable que nous étudiions le fonctionnement de ces caisses dans lesquelles il n’y a jamais rien eu, permettez-moi de le dire. » Était-il possible de confesser plus clairement que l’emprunt indéfini, l’emprunt à outrance, a eu la plus grande part à l’œuvre sur laquelle on a cru fonder la popularité du régime actuel ?

La commission du budget et une partie de la chambre avaient accueilli très froidement le budget de M. Tirard. Le ministre était taxé par les uns d’excessive timidité et par les autres de pessimisme. On lui savait fort mauvais gré de quelques aveux qui pouvaient éclairer le public, alors qu’on couvrait l’examen du budget d’un voile impénétrable. Le budget ordinaire de 1884 bénéficiait de 35 millions résultant de l’économie produite par là conversion du 5 pour 100 ; mais il avait à supporter 53 millions de dépenses nouvelles,