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dont 25 millions pour l’accroissement du service de la dette publique, 20 millions pour les dépenses de la Tunisie, ramenés dans ce budget, le surplus en exécution de diverses mesures législatives. La commission y voulait faire entrer diverses dépenses repoussées par le ministre. Elle s’épuisa, pendant plusieurs mois, en vains efforts pour arriver à un équilibre dont l’inanité ne fût pas trop manifeste. Elle ne parvint à aligner, en apparence, les recettes et les dépenses qu’en rejetant sur le budget extraordinaire une subvention de 30 millions, réclamée par M. Jules Ferry, pour la caisse des écoles, en mettant à la charge de la dette flottante 48 millions, dont 20 millions pour la caisse des chemins vicinaux, en imputant 16 millions sur les excédens des exercices antérieurs, en renouvelant 70 millions d’obligations sur 170, enfin en accroissant les évaluations, déjà trop élevées, de M. Tirard, alors qu’elle aurait dû les diminuer. En effet, les recettes de 1883 non-seulement tombaient au-dessous des évaluations budgétaires, mais demeuraient inférieures aux résultats réalisés en 1882. Les évaluations de recettes pour 1884 auraient donc dû être réduites en proportion de ces moins-values ; mais alors le déficit eût apparu dans toute sa réalité. La commission avait songé à se tirer d’embarras en réduisant de 100 millions à 60 le crédit relatif au remboursement des obligations. Le ministre refusa d’y consentir et soutint à la tribune une lutte acharnée contre M. Rouvier, le président de la commission du budget. Il défendit l’intégrité de ce crédit, comme représentant le principe de l’amortissement, et comme le gage des emprunts à court terme qui alimentaient le budget extraordinaire. On entendit alors M. Rouvier renier la thèse qu’il avait si souvent soutenue sur l’importance des amortissemens accomplis sous le régime actuel, et démontrer avec une logique irrésistible que rembourser d’une main 100 millions d’obligations lorsque, de l’autre, on en émettait pour une somme plus considérable, ce n’était pas amortir, mais se livrer à un simple jeu d’écritures. M. Tirard l’emporta parce qu’il avait annoncé sa détermination de se retirer, s’il succombait dans ce débat. La démonstration à laquelle M. Rouvier s’était livré n’en jetait pas moins une vive lumière sur la gestion financière des dernières années. Les mêmes jeux d’écritures ne s’étaient-ils pas reproduits d’exercice en exercice, et les prétendus amortissemens dont on s’était vanté, avaient-ils jamais arrêté le progrès constant de la dette publique ?

La chambre avait commencé si tardivement la discussion du budget que la loi de finances ne put même pas être votée avant Noël, et que trois jours seulement furent laissés au sénat pour l’examiner à son tour. Le sénat se résigna, malgré les réclamations indignées de quelques-uns de ses membres, à voter le budget ordinaire tout