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qu’il s’agissait de dépenses extraordinaires; puis il ajoutait mélancoliquement, alors que les moins-values du seul mois de janvier 1885 avaient détruit l’équilibre de ce budget qui n’était pas encore voté : « Il n’en est pas moins vrai que, le budget des recettes et le budget des dépenses se balançant à peu près en équilibre, et l’espérance d’un excédent de recettes, pendant l’exercice 1885, ne pouvant pas être conçue, ces crédits considérables ne sont pas gagés, et qu’après la conclusion des entreprises auxquelles ils s’appliquent, il faudra que le parlement avise au moyen de solder la dépense. » Voilà donc, de l’aveu même du rapporteur sénatorial, une dépense certaine de 45 millions pour laquelle il n’y avait pas un centime prévu au budget. Cette dépense n’était pas la seule dans ce cas. Il fallait encore 40 millions pour la caisse des écoles et pour la caisse des chemins vicinaux, qu’on ne pouvait laisser vides, puisque 1885 ramenait les élections générales. On avait dévoré par des anticipations le crédit destiné à la caisse des chemins vicinaux; quant à la caisse des écoles, la combinaison d’emprunt à jet continu, par l’intermédiaire du Crédit foncier, qui devait dispenser le trésor de fournir le capital des subventions en mettant seulement à sa charge le service des intérêts et l’amortissement, n’avait pas encore reçu la consécration législative et ne pouvait être appliquée en 1885. Le gouvernement demanda à être autorisé, par la loi de finances, à se procurer 40 millions par l’émission d’obligations à l’échéance maxima de 1890. Rien n’était plus irrégulier et plus contraire à tous les engagemens pris par les précédens ministres des finances. M. Dauphin, avec son système de dire à demi la vérité, confessait et palliait tout à la fois cette irrégularité : « Votre commission, disait-il, ne vous proposerait pas d’adopter cette mesure si elle devait se reproduire dans les exercices ultérieurs. Ce n’est, en effet, autre chose qu’une imputation, sur le budget d’emprunt, d’une dépense ordinaire; et le fait de la réaliser par un article de la loi de finances, au lieu d’inscrire un crédit au budget sur ressources extraordinaires, n’en change pas le caractère. »

Ainsi, sans parler de 70 millions d’obligations qu’on renouvelait au lieu de les rembourser, le budget de 1885 était en déficit de 85 millions avant même d’être voté. Les mécomptes que l’on éprouva dans les résultats du revenu public et la multiplication des crédits extraordinaires accrurent rapidement le déficit. L’exposé de motifs du budget de 1887 évalue à 213 millions l’importance de ce déficit, et cette évaluation est manifestement insuffisante, car le même document fait figurer en recette les 45 millions que le trésor s'est procurés par l’émission d’obligations à court terme, qui sont un produit d’emprunt et ne peuvent être une recette que dans les