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de ses craintes, de ses espérances. A la suite de l’un des entretiens qu’ils avaient fréquemment ensemble, La Trémoille lui offrit de le mettre en rapport avec Dumouriez. Willot accepta, se laissa conduire chez le vainqueur de Jemmapes[1].

Dès leur première entrevue, les deux généraux se confièrent les opérations qu’ils préparaient l’un et l’autre. C’est ainsi que Willot apprit qu’avant qu’il eût songé à recourir aux bons offices de la Russie, Dumouriez les avait déjà sollicités. Quoiqu’il n’eût encore reçu de Mitau aucune réponse à cet égard, il reconnut qu’il serait sage de chercher d’un autre côté ses moyens d’action. Dumouriez fortifia sa conviction en lui révélant le plan danois et ce que lui-même attendait de la Russie pour la réussite de ce plan. L’idée de s’adresser à l’Autriche sortit de ces conférences. Les armées autrichiennes occupaient l’Italie du côté de Turin, de Gênes et de Nice. Il leur était aisé de faciliter l’entrée de Willot dans le midi de la France. Dumouriez et Willot pensaient que les Impériaux ne s’y refuseraient pas, surtout si l’Angleterre appuyait les démarches de Willot.

Le plan militaire de ce dernier fut soumis à un examen approfondi. La brillante imagination de Dumouriez y ajouta, le modifia, le transforma. Il fallait, selon Willot, profiter des dispositions des provinces méridionales pour y former une armée insurrectionnelle. Cette armée obligerait le Directoire à de nouveaux efforts, accroîtrait ses embarras et ses dangers, l’obligerait à diviser son attention et ses ressources, à éparpiller les forces militaires qu’il rassemblait pour résister aux alliés. Dumouriez, qui reconnaissait à Willot « de la probité, du talent, du courage, » et qui le tenait « pour un ennemi de Bonaparte, » approuvait ses idées. Mais, à son avis, il fallait un secours étranger. « On eût hésité à l’accepter contre la République, disait-il; on l’acceptera contre Bonaparte. » Il raisonnait dans l’hypothèse du prochain retour de ce général encore en Égypte. Il prévoyait que les troupes royales et les alliés auraient à se mesurer avec lui.

A son avis, l’attaque devait se produire sur les côtes de Provence, au moment où les Impériaux menaceraient les frontières d’Italie. Tandis que Précy soulèverait les Lyonnais, Willot apparaîtrait

  1. Le 3 septembre, Dumouriez écrit à Thauvenay : « Le prince de la Trémoille, qui est lié avec le général Willot, vient de me mander qu’il est actuellement à Hambourg. J’écris au prince qu’il me l’amène ou me l’envoie sur-le-champ, puisqu’il se croit sûr de lui, pour que nous concertions ensemble quelles sont les ressources qu’il a dans le Midi, où il a commandé, et quelles sont les mesures à prendre pour y organiser un corps et former un plan qu’il puisse concerter ensuite avec les insurgés du Languedoc, des Cévennes et de Lyon. Je crois que Sa Majesté peut d’avance proposer à l’empereur de Russie d’envoyer Willot à l’armée du général Souvarof. »