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général. De Zach se montra plus courtois que Mêlas et Keim. Il mit un véritable empressement à écouter Willot, approuva son entreprise, reconnut la nécessité de s’en occuper, de la préparer. Mais, comme Mêlas, il ajourna toute décision jusqu’après la prise de Gênes. « On m’a fait des promesses, s’écria Willot découragé. On m’a promis un lieu de rassemblement pour mes recrues, des canons, la permission d’acheter des fusils, des munitions, des vivres; on m’a promis des passeports pour les avant-postes, sûreté pour mes dépôts, protection en cas de revers. Qu’on m’accorde au moins ce qu’on s’est engagé à me donner. » De Zach, pressé de la sorte, « fit des promesses sur tout, sans commencer rien. »

Willot commençait à désespérer. Allant d’un général à un autre, il n’entendait parler que de l’héroïque résistance des Français enfermés dans Gènes; il pouvait mesurer l’admiration et la crainte qu’inspiraient ces autres héros qui descendaient les Alpes après, avoir accompli des prodiges pour les traverser. Quelque profondes que fussent ses convictions, elles ne l’étaient pas assez, on doit le croire, pour le consoler d’avoir perdu le droit de concourir à la formation du trésor de gloire que préparaient pour la patrie les vaillans qui lui étaient demeurés fidèles. Même aux yeux de l’ennemi à qui il apportait des armes pour les combattre, comparé à eux, il ne comptait plus.

Abandonné, livré à sa seule initiative, il eut alors l’idée d’aller trouver l’amiral commandant de la flotte anglaise mouillée dans les eaux de Gènes, lord Keith. Il lui fit part de son embarras. Au nom de Wickham, il sollicita des secours. Lord Keith objecta qu’il était sans ordres. Il hésitait à venir en aide à Willot. Il fallut l’intervention de Jakson, ministre d’Angleterre à Turin, pour le décider à promettre des vivres, des munitions, ainsi que la protection de ses navires, si Willot persistait à vouloir débarquer à Arles, où, à l’en croire, il était attendu.

Cette difficulté vaincue, il en restait une autre. Les quelques centaines d’hommes dont Willot s’était assuré le concours vivaient de divers côtés sur le territoire piémontais. Avant de procéder à leur embarquement, il fallait les réunir. Cette réunion ne pouvait s’opérer qu’avec le consentement des autorités sardes, favorables, il est vrai, à l’expédition que préparait Willot, mais dominées par la crainte d’éveiller, en le laissant paraître, les susceptibilités de l’Autriche. C’est encore Jakson qui leva cet obstacle. Grâce à son appui, le comte de Saint-André, lieutenant-général du roi de Piémont, facilita tant qu’il le put, la concentration à Turin des officiers recrutés par Willot. Mais beaucoup d’entre eux manquèrent à l’appel. Les passeports étaient rares, la correspondance difficile, par suite de la lenteur et de la mauvaise volonté des avant-postes