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victime de cette longue suspension de travail. Elle n’a servi qu’à offrir une occasion d’exhibition à quelques agitateurs, — et ce sont encore ici des députés sans mandat, sans responsabilité, qui, profitant de leur titre, sont venus souffler la guerre là où la paix était utile à tout le monde. Voici maintenant la grève de Vierzon, qui n’est probablement qu’une suite de la grève de Decazeville ou un épisode d’un mouvement plus vaste, qui a commencé dans les ateliers de la « Société française de matériel agricole. » La grève a éclaté parce que la société a été obligée de réduire ses travaux par suite de la crise agricole et parce que les ouvriers, obéissant à un mot d’ordre, ont prétendu dicter des conditions à la compagnie qui les emploie. Autant qu’on en puisse juger, c’est une nouvelle chambre syndicale qui a voulu essayer ses forces, et ce qu’il y a de caractéristique ici comme partout, c’est qu’aussitôt les chefs socialistes de la région sont arrivés, aidés des agitateurs parisiens, pour s’emparer du mouvement et le dénaturer, pour étendre la grève aux ouvriers de toutes les industries du pays, au risque de susciter des troubles. Quelques troupes ont suffi jusqu’ici pour maintenir un certain ordre, et le conflit allumé par des passions factices est vraisemblablement destiné à unir sans résultat, surtout sans profit.

En réalité, tous ces mouvemens partiels ne disent pas toujours leur dernier mot. Ils s’éclairent peut-être par les débats de ce congrès ouvrier international qui vient de se réunir à Paris pour délibérer sur les salaires, sur les conditions du travail et sur bien d’autres choses. Il a tenu ses assises pendant quelques jours, ce congrès un peu bizarre, un peu semblable à la tour de Babel, où se sont rencontrés des délégués de toutes les nations du vieux et du Nouveau-Monde, de la France, de l’Angleterre, de l’Allemagne, de la Suède, de l’Autriche, de la Belgique et même de l’Australie. Assurément bien des utopies, pour ne pas dire bien des folies, se sont produites dans cette réunion où les délégués français ont tenu à paraître sous la bannière des revendications socialistes, sous les plis du drapeau rouge. Bien des faits qui ont leur intérêt ont été aussi exposés sur l’état des industries et la condition des populations laborieuses dans tous les pays. De vives discussions se sont engagées où les déclamations politiques et révolutionnaires ont malheureusement autant de place que les affaires d’industrie, et dans cette confusion des langues, il faut l’avouer, ce sont les Anglais, les délégués des trade’s unions, qui, avec leur bon sens, avec l’autorité de l’expérience acquise, ont le plus souvent représenté la raison pratique. Au demeurant et au bout de tout, ce merveilleux congrès a abouti à la proposition d’une sorte de code international du travail, fixant un minimum des salaires, limitant à huit heures la journée de travail, prescrivant des règles de salubrité, imposant une responsabilité aux patrons en cas d’accident, — et surtout créant une