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I

La proximité des élections générales ne permit pas à la chambre d’apporter, cette année, à la préparation et au vote du budget la même négligence et les mêmes lenteurs que les années précédentes. Elle y mit, au contraire, une telle diligence, que la discussion générale fut terminée et que les crédits de deux ministères furent votés avant que le rapporteur général, M. Jules Roche, eût déposé son rapport. Le sénat ne demeura pas en arrière d’un si beau zèle. Mis en discussion à la chambre dans les premiers jours de juillet, le budget de 1886 était voté et fut promulgué le 8 août 1885. Il avait été précédé de l’enfantement d’une nouvelle caisse, la caisse des garanties des chemins de fer, qui dut sa naissance aux premiers mécomptes causés par les conventions. On avait présumé que le trésor n’aurait plus à servir de garanties aux compagnies que pour les sommes appliquées à la construction du nouveau réseau, que cette dépense croîtrait graduellement et qu’elle n’atteindrait qu’en 1892 un chiffre maximum de 65 millions, destiné à diminuer rapidement. Tous ces calculs se trouvaient renversés par l’affaiblissement constant des recettes, qui contraignit plusieurs compagnies à réclamer le bénéfice des garanties attachées à l’ancien réseau. Le trésor se trouvait donc en face d’une dépense de 63 millions pour 1886, et comme la paralysie des affaires ne permettait pas d’espérer de sitôt une amélioration dans le trafic des voies ferrées, il était à craindre que cette charge ne s’accrût pendant une période de plusieurs années et ne pesât lourdement sur le budget, qu’il devenait de plus en plus difficile d’équilibrer. Elle s’élèvera, en effet, pour 1887, à 104 millions, dont 15 millions pour les lignes algériennes. On s’avisa tout à coup que les garanties à servir aux compagnies n’étaient que des avances remboursables et portant intérêt, et que les compagnies paieraient, tôt ou tard, le principal et les arrérages. Ne pouvait-on déléguer cette créance de l’état à un compte spécial à ouvrir pour le service des garanties, qui recevrait d’une main et paierait de l’autre ? A ceux qui faisaient observer narquoisement que, pendant bien des années, cette institution aurait bon nombre de millions à payer et rien à recevoir, on répondit qu’en attendant les recettes l’institution se procurerait les fonds nécessaires en émettant, avec la garantie de l’état, des obligations dont le trésor servirait les intérêts. On avait d’abord laissé en dehors les chemins de fer algériens, en donnant pour raison que l’espoir d’un remboursement quelconque de la part des compagnies algériennes était trop incertain et trop