Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/628

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voyez, Jupiter olympien ! quelle folie ! Tu crois donc à Jupiter, à ton âge ? »


PHIDIPPIDE. — Y a-t-il en cela de quoi rire ?
— Tu n’es qu’un enfant pour croire à de telles vieilleries. Approche pourtant, que je t’instruise ; je vais le dire la chose, et alors tu seras homme ; mais ne vas pas le répéter à personne !
— Eh bien ! qu’est-ce ?
— Tu viens de jurer par Jupiter ?
— Oui.
— Vois comme il est bon d’étudier : il n’y a pas de Jupiter, mon cher Phidippide.
— Qui est-ce donc ?
— C’est Tourbillon qui règne ; il a chassé Jupiter.

C’est le Nous avons changé tout cela de Molière, et cette bonne dupe de Strepsiade rappelle notre Bourgeois gentilhomme. Il ne faut pas oublier qu’il a perdu son manteau et ses souliers : insinuation de vol calomnieuse, assurément, contre Socrate, et qui l’était aussi contre les sophistes, dont le procès a été, pour une part, révisé, et méritait de l’être.


Après cette parodie des nouvelles doctrines qui substituaient à la royauté divine de Jupiter la domination des lois physiques, le poète met en scène le Juste et l’Injuste : tous deux se livrent bataille à coups d’argumens ; le Juste trace le tableau de la vie ancienne qui se passait au milieu des exercices de la palestre, et dans la pratique de la vertu, avec la pudeur, la modération et le respect des vieillards. L’Injuste étale toutes ses séductions, et c’est à lui qu’Aristophane fait demeurer le champ de bataille, comme s’il désespérait désormais de ramener les Athéniens à la justice.


L’INJUSTE. — Or ça, dis-moi, quelle espèce de gens sont les orateurs ?
Le JUSTE. — Des infâmes.
— Je le crois ; et nos poètes tragiques ?
— Des infâmes.
— Bien ; et les démagogues ?
— Des infâmes.
— Et les spectateurs, que sont-ils ? Vois quelle est la majorité :
— Attends, je regarde.
— Eh bien ! que vois-tu ?
— Les infâmes sont en majorité. En voilà un que je connais pour