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consécration du principe de l’autonomie des états fédérés. Le pouvoir n’est donc ici nullement distribué en proportion du nombre, contrairement au principe fondamental de la démocratie.

Les sénateurs sont ordinairement choisis parmi les hommes les plus capables qui s’occupent de politique dans chaque état, parce que celui-ci veut être bien représenté, afin que ses intérêts soient bien défendus. Un représentant aux États-Unis a bien moins de prestige qu’un membre de la chambre des communes en Angleterre, mais un sénateur américain en a plus qu’un lord anglais.

Le sénat possède d’abord tous les droits de la chambre basse ; en outre, il est investi de pouvoirs exceptionnels, car il est associé à l’exercice du pouvoir exécutif. Les principales nominations faites par le président sont soumises à la ratification du sénat. Il est même d’usage que, pour les places à donner dans chaque état, on consulte ses sénateurs, de sorte que ce sont ceux-ci qui en disposent, ce qui, sous le régime de la fameuse maxime : Aux vainqueurs les dépouilles, leur assure une énorme influence. On se rappelle tout le tapage fait naguère et la démission donnée par le sénateur de New-York, Conkling, parce que le président se refusait à nommer ses créatures.

Le sénat exerce aussi une grande influence sur la direction des affaires étrangères, car il contrôle la nomination des ministres qui représentent la république à l’étranger et tous les traités doivent lui être soumis. Il les examine, à porte close, et les ratifie ou les rejette sans en entretenir le président. Celui-ci ne peut défendre ses actes que par une communication écrite ou bien par l’intermédiaire d’un sénateur confident ou ami.

Le sénat américain n’est pas, comme la chambre, une simple machine à voter. Il s’acquitte d’une façon convenable et parfois très brillante de « la fonction éducative » que l’on attribue au régime parlementaire. Les sénateurs peuvent parler à leur aise, sans être soumis à la tyrannie des comités, aux entraves du règlement et à la guillotine de la question préalable. Sur les questions importantes, il se prononce de longs discours, bien étudiés, et qui forment parfois tout un traité de la matière, comme celui du sénateur Jones sur la question monétaire. C’est là un des avantages des assemblées peu nombreuses. Ces discours sont lus partout : ils contribuent à former l’opinion du pays, et ainsi des hommes de talent peuvent se faire connaître. Les hommes d’état dont la réputation a franchi l’Atlantique sont pour la plupart des sénateurs. Le sénat compte dans son sein beaucoup de légistes distingués. Comme l’autre chambre, il expédie les affaires en des comités permanens, au nombre de vingt-neuf ; mais leur composition est déterminée par un tirage au sort,