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400,000 hommes, fut toute à l’avantage des méridionaux. Ce furent, dit Larrey, les Espagnols, les Portugais, les Italiens et les populations du midi de la France, même les créoles, qui résistèrent le mieux au froid pendant la retraite. Les Allemands, les Hollandais et les Russes succombèrent dans une énorme proportion, et l’hiver fit plus de victimes dans les rangs de l’ennemi que dans ceux de la grande armée, vaincue et dépourvue de tout. La même observation fut faite parmi les personnes transportées en Sibérie. Les gens du midi se portent très bien dans le nord, et les créoles eux-mêmes s’habituent parfaitement au climat de l’Europe.

La race éthiopienne ne possède pas la même facilité d’adaptation. Elle ne peut pas s’acclimater dans les régions froides et subit même très difficilement un petit déplacement vers le nord. Les nègres du Sennaar meurent par milliers lorsqu’ils viennent en Égypte ; ceux de l’intérieur de l’Afrique sont décimés par la fièvre et par la dyssenterie, quand on les transporte en Arabie ; et chacun sait qu’en France ils sont moissonnés par les maladies de poitrine. Boudin cite le fait d’un régiment anglais, composé de 1,800 noirs, qui fut envoyé en garnison à Gibraltar en 1817, et qui fut détruit par la phtisie pulmonaire en moins de quinze mois. Les Annamites subissent le même sort lorsqu’ils quittent la Cochinchine pour venir se fixer au Tonkin.

Cette souplesse d’organisation, qui permet à la race blanche de se déplacer vers le nord, ne lui confère pas le même privilège d’immunité lorsqu’il s’agit d’émigrer vers les régions intertropicales. C’est cependant dans cette direction que toutes ses aspirations l’attirent : les peuples du nord ont toujours marché vers le soleil. Tous les grands déplacemens se sont faits du nord au sud. Les barbares se tournaient vers l’Italie et l’Espagne ; les courans de l’émigration se portent aujourd’hui vers l’équateur, et pourtant les résultats n’ont pas été de nature à encourager ces tendances. Les régions intertropicales, dit Michel Lévy, ont dévoré plusieurs milliers de générations d’Européens. Les colonies les plus florissantes ont un lugubre passé d’épidémies et de désastres dont elles ont gardé le souvenir. Il est vrai que la plupart du temps elles ont été fondées dans des conditions déplorables. On est allé le plus souvent s’établir à l’embouchure des grands fleuves, au milieu des marais, des palétuviers : les fièvres paludéennes, les maladies de tout genre sont venues s’abattre sur les malheureux émigrans et les ont fait disparaître. De pareilles entreprises ne pouvaient aboutir qu’à des revers. En se plaçant dans de meilleures positions, sur des points mieux choisis, on n’aurait pas subi de pareils désastres ; mais il est certain, pourtant, qu’on ne serait pas parvenu à y donner naissance à une population valide, susceptible