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inondera de ses produits à vil prix. L’Amérique, avec ses denrées alimentaires, nous fait déjà, sur nos propres marchés, une concurrence contre laquelle nous ne pouvons pas lutter ; l’Australie et l’Inde nous menacent ; la Chine entrera quelque jour dans le mouvement et l’équilibre économique du globe sera ébranlé. Les vieilles nations ont à supporter le poids de leur passé. Avec leurs dettes, leur sol épuisé, leur outillage en retard et leurs institutions rétrogrades, elles ne peuvent pas lutter contre les peuples plus jeunes qui commencent sur de nouveaux frais et profitent de l’expérience de leurs aînés. Quelque libre-échangistes que soient les états de l’Europe, il est possible qu’ils soient un jour contraints d’oublier leurs dissentimens, de renoncer à se faire la guerre à coups de tarifs ou à coups de canon, pour former entre eux une union douanière, un grand Zollverein, afin de se protéger contre les autres parties du monde qu’ils ont considérées jusqu’ici comme leurs tributaires et comme un terrain sans limites pour le placement de leurs produits.

Nos possessions de l’Océanie n’ont ni les vastes territoires, ni les grandes populations industrieuses de l’Indo-Chine ; mais elles ont pour elles leur admirable salubrité et leur climat incomparable. Les maladies endémiques des pays chauds y sont inconnues. Les Européens peuvent y vivre, s’y multiplier, comme dans leur pays natal. Après un séjour de plusieurs années en Océanie, nos soldats reviennent en France aussi bien portans qu’au départ. Pendant les huit années qui ont suivi l’occupation, malgré les expéditions de guerre et les travaux nécessités par la colonisation, le chiffre de la mortalité annuelle ne s’est pas élevé à 1 pour 100 de l’effectif ; en 1850, il s’est abaissé jusqu’à 0.39 pour 100.

Cette facilité d’adaptation au climat de l’Océanie parait en désaccord avec ce que j’ai dit en commençant, au sujet de la zone torride, de l’impossibilité pour les Européens de s’y multiplier et d’y cultiver le sol ; mais je ferai observer que les îles que nous occupons dans ces régions privilégiées sont situées à la limite de cette zone inhospitalière, et que l’hémisphère sud est plus froid que l’hémisphère nord. La température moyenne dans cette partie de la Polynésie est de 24° 79, et parfois le thermomètre s’abaisse jusqu’à 14°.

La Nouvelle-Calédonie, la plus étendue de ces possessions, remplit toutes les conditions qu’on peut exiger d’une colonie pénitentiaire. Il est à regretter seulement que le sol montagneux de cette ile n’offre pas de plus grandes étendues de terre propres à la culture, car tout y vient à merveille. Il suffira, du reste, pour nourrir sa population lorsqu’il sera mis en rapport et mieux distribué. La Nouvelle-Calédonie, indépendamment des produits alimentaires,