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magistratures et administre les cités ; elle est rurale par ses intérêts, par sa vie quotidienne, par ses goûts. En partageant son existence entre la campagne et la ville, elle parait avoir une prédilection pour la campagne.

C’est que, dans ces belles résidences, on menait l’existence de grand seigneur. Paulin de Pella, rappelant dans ses vers le temps de sa jeunesse, décrit « la large demeure où se réunissaient toutes les délices de la vie, » et où se pressait « la foule des serviteurs et des cliens. » C’était à la veille des invasions, « La table était élégamment servie, le mobilier brillant, l’argenterie précieuse, les écuries bien garnies, les carrosses commodes et d’habiles artistes s’empressaient à satisfaire les goûts du maître. » Les lettres de Sidoine nous montrent ces hommes s’écrivant ou se visitant entre eux. Les plaisirs de la vie de château étaient la causerie, la promenade à cheval ou en voiture, le jeu de paume, les dés. Les femmes avaient ordinairement leur place à part. Dans leurs appartemens réservés, elles tissaient ou brodaient en lisant quelques livres choisis. Les hommes chassaient. La chasse fut toujours un goût romain. Varron parlait déjà des vastes garennes remplies de cerfs et de chevreuils. Les amis auxquels écrivait Pline le Jeune partageaient leur temps « entre l’étude et la chasse. » Lui-même, chasseur médiocre qui emportait un livre et des tablettes, se vante pourtant d’avoir tué un jour trois sangliers. Les jurisconsultes du Digeste mentionnent, parmi les objets qui font ordinairement partie intégrante du domaine, l’équipage de chasse, les veneurs et la meute. Plus tard, Symmaque écrit à son ami Protadius et le mille sur ses chasses qui n’en finissent pas, et sur la a généalogie de ses chiens. » Les amis de Sidoine paraissent être aussi de grands chasseurs. Le Gaulois Ecdicius « poursuit la bête à travers les bois, passe les rivières à la nage : chiens, chevaux, arcs, voilà ce qui l’amuse. » Le même homme tout à l’heure, à la tête de cavaliers levés sur ses terres, mettra une troupe de "Visigoths en déroute. Voici un autre ami de Sidoine, Potentinus : « Il excelle à cultiver, à construire, à chasser. » Vectius, grand personnage dont on vante la sagesse, la modération, les vertus domestiques, « ne le cède à personne pour élever des chevaux, dresser des chiens, porter des faucons. »

Plus encore que la chasse, ces hommes aimaient l’étude et la lecture. Il est vrai que l’étude, pour ces générations, n’était pas l’austère science ni l’âpre recherche qui dévore. Il s’agit ici d’une étude presque uniquement littéraire et toute d’agrément. La lecture était surtout celle des poètes et des orateurs. Sidoine écrit à Eriphius : « Tu partages ton temps entre la chasse, le soin de tes terres et les devoirs de la cité ; mais ce qui tient le plus ton cœur, c’est l’amour des lettres. » Un autre, nommé Félix, « vit enfermé