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V

C’est dans le même esprit exclusif et dominateur qu’au congrès de Rome, en 1873, la section de médecine mentale émettait le vœu « qu’une loi, la même pour tout le royaume, à l’exemple des nations les plus civilisées d’Europe, réglât tout ce qui se rapporte aux aliénés et aux manicomes ; que le gouvernement hâtât la construction d’asiles pour les aliénés délinquans ; qu’un inspectorat général fût établi écartant toute influence étrangère à la direction médicale, afin que celle-ci, jouissant de la plénitude de ses droits, pût accepter toute la responsabilité d’une œuvre entièrement sienne. » Les aliénistes italiens ont rabattu de leurs prétentions : constitués depuis douze ans en association (società freniatrica italiana), ils ne cessent, dans leurs congrès annuels, de répéter que l’intérêt du malade, l’intérêt social, l’unité politique de l’Italie, doivent avoir pour conséquence logique l’unité de régime ; qu’il faut en finir avec ces règlemens et coutumes particularistes des anciens gouvernemens de la péninsule, règlemens défectueux en général, à l’exception de la loi toscane connue sous le nom de proprio motu de 1838[1]. Il n’existe

  1. Déjà, d’ailleurs, on a obtenu les plus heureuses transformations ; les anciens asiles agrandis, améliorés, de nouveaux asiles comme ceux d’Imola et de Monbello, établis suivant les devoirs de l’humanité et le progrès scientifique, dirigés par des hommes dont le désintéressement égale l’activité, l’enseignement clinique des maladies mentales activement poussé dans les nombreuses universités italiennes, tout concourt à cette expansion féconde. Au 1er juin 1881, le nombre des aliénés traités dans les 30 manicomes s’élevait à 16,665, tous indigens, à l’exception de 443, qui paient eux-mêmes la pension. Presque partout on s’efforce d’occuper les malades à des travaux variés, et à la dernière exposition de Milan, les directeurs d’asile ont envoyé beaucoup d’objets fabriqués par eux. Le produit du travail constitue pour chacun une masse, un pécule, sorte de fonds de réserve qui leur appartient en propre et ne retient à l’asile que dans le cas où ils ne laissent pas d’héritiers directs. Le pécule s’est quelquefois élevé à plus de 1,000 francs. Dans beaucoup de maisons se trouvent des ateliers de typographie, où quelques aliénés impriment le Journal-Chronique de l’asile, qui rend compte de tous les incidens, modifications de régime, mouvement de la population, visites marquantes, etc. Le docteur Billod (les Aliénés en Italie, 1 vol. in-8o), lisant la Gazette du Manicomio, Milan, tombe sur un article intitulé : l’Infirmerie : devoirs des infirmiers ; sa surprise augmente lorsqu’il arrive à un chapitre intitulé : Notizie dei Malati, Nouvelles des malades, et contenant un bulletin de santé, destiné aux familles et aux communes. Dans chaque numéro, un avis les informe que, si leur abonnement n’est pas renouvelé dans le délai de… on cessera de le leur envoyer. Les communes en retard sont même nominativement désignées. Cette idée originale de faire imprimer par des aliénés les Annales de l’aliénation mentale a été, pour la première fois, mise en pratique à l’asile d’Aversa, sur le frontispice duquel ou continue à lire cette devise : Vigilanza e Humanità ; et le premier compositeur de cette imprimerie spéciale se trouvait être un aliéné qui se croyait le poète Métastase.