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s’éclairent l’une par l’autre. L’une et l’autre peuvent se faire de deux façons : par fragmens à propos de chaque question, ou avec suite et d’ensemble. Pour la psychologie comme pour l’histoire, l’étude fragmentaire appelle l’étude complète. De là la nécessité d’une chaire spéciale de psychologie à côté des chaires de philosophie générale et d’histoire de la philosophie.

À ces chaires nécessaires M. Boutroux en ajoute de facultatives, soit sur telle branche de la psychologie, de la philosophie générale ou de l’histoire de la philosophie qui paraîtrait mériter une étude spéciale, soit sur de nouvelles formes de la philosophie qui tendent à la rapprocher, dans sa méthode et dans son objet, des sciences positives. Ce n’est pas ici le lieu d’apprécier les considérations très ingénieuses et très libérales qu’a développées M. Boutroux sur ces tentatives d’une révolution philosophique. Je ne veux que m’associer à ses conclusions. L’Université s’honore, dans la haute et impartiale mission qui lui est assignée, en ouvrant largement l’enseignement supérieur à tout effort sérieux pour agrandir ou pour transformer le domaine traditionnel de la philosophie.


VI.

L’enseignement secondaire ne peut recevoir la même extension. La philosophie n’y est représentée que par une seule chaire dans chaque établissement, et à cette chaire unique est imposé un programme nettement délimité. Ce programme embrasse toutes les parties de la philosophie et de l’histoire de la philosophie dans la section littéraire de l’enseignement classique; il écarte l’histoire de la philosophie dans la section scientifique du même enseignement; il se réduit à la morale dans l’enseignement spécial et dans l’enseignement des jeunes filles, mais il comprend les questions de psychologie et de métaphysique dont la solution intéresse la morale. Quelle que soit l’étendue du programme, il laisse au professeur toute liberté de traiter les questions d’après ses convictions personnelles, sous la seule réserve de respecter les institutions de l’état et la foi religieuse des élèves. En fait, bien que le spiritualisme domine, les autres doctrines sont représentées, dans notre enseignement secondaire comme dans notre enseignement supérieur, et si, sur certains points, elles ne peuvent s’affirmer jusque dans leurs dernières conclusions, elles gardent le droit de produire sous une forme historique, à côté des conclusions contraires. C’est ici affaire de mesure et de tact. « Il y a, dit excellemment M. Janet, un tact professionnel qui s’est formé avec le temps et qui n’a plus besoin d’être enseigné. » On peut le dire, en effet à la louange de ce corps de professeurs de philosophie, dans