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plus modérés[1]. C’était aussi et c’est encore l’opinion de quelques-uns des écrivains qui, en dehors de la presse périodique, ont traité la question au point de vue des seuls principes et dans un esprit libéral. M. Vacherot n’admet la métaphysique à aucun des degrés de l’enseignement public. M. Bersier, dans l’intérêt même des idées religieuses, tient le même langage. C’est aussi celui d’un jeune écrivain de talent et de bonne foi, M. Louis Wuarin, dans un livre plein de considérations élevées et sensées sur les droits et les devoirs de l’état en matière d’enseignement et d’éducation. Il ne faut donc pas s’étonner si le rejet de l’amendement de M. Jules Simon a été universellement interprété comme ayant donné raison à cette théorie en fermant l’école primaire à l’idée de Dieu et à toute idée métaphysique. C’est le thème le plus fréquent des plaintes des conservateurs. Hier encore, ce sujet d’accusation se retrouvait dans la plainte si mesurée et si digne du vénérable archevêque de Paris contre les progrès d’une politique antireligieuse. D’autre part, il ne rencontre aucune dénégation chez les républicains. Les uns le tiennent pour vrai, parce qu’il est conforme à leurs sentimens intimes. Les autres ne se donnent pas la peine de vérifier une légende qui semble avoir pour elle l’unanimité des opinions. Les plus prudens se taisent pour ne pas provoquer les réclamations d’une grande partie de leurs alliés. Ce n’est pourtant qu’une légende, bien facile à démentir en fait et non moins facile à rectifier dans son principe. En fait, il suffit de jeter les yeux sur le programme officiel[2]. Il s’est approprié les termes mêmes de l’amendement de M. Jules Simon : Devoirs envers Dieu. En principe, la question est la même pour l’enseignement primaire que pour les autres degrés d’enseignement. La neutralité doit s’y entendre dans un esprit de liberté, non dans un esprit d’exclusion qui rendrait impossible tout enseignement philosophique ou du moins qui ne le permettrait qu’à une seule école : l’école positiviste. Dieu tient dans la conscience et la raison humaine une trop grande place pour ne pas en réclamer une dans un enseignement qui ne repose que sur la raison et la conscience, mais qui embrasse tout leur domaine. Ceux des maîtres qui croient en Dieu, et c’est jusqu’à présent la presque unanimité, ont le droit et le devoir de faire un large appel à tous les sentimens qu’éveille ce grand nom. Ceux qui le nient dans leur for intérieur

  1. j’avais cru pouvoir, dans une lettre adressée au journal le Parlement, prendre acte des déclarations officielles sur le maintien de l’idée de Dieu dans les programmes que devait rédiger le conseil supérieur. Ce journal, le plus modéré des journaux républicains, n’inséra ma lettre qu’avec d’expresses réserves. Le Journal des Débats et le Temps tenaient un langage plus absolu encore.
  2. Ce programme est reproduit en tête de presque tous ces manuels d’instruction morale et civique sur lesquels on porte des jugemens si sévères sans s’être le plus souvent donné la peine de les lire.