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une ordonnance du préfet suffit ; s’il s’agit d’un placement d’office, un parent, un ami produira une demande que reçoit le maire ou le commissaire de police, accompagnée d’un certificat médical et d’une pièce qui constate l’identité du malade; dans les-vingt-quatre heures, l’autorité administrative recevra le bulletin d’entrée, avec le certificat du médecin de l’établissement. Pour les asiles privés, le préfet envoie dans les trois jours un médecin de son choix qui lui adresse un rapport après avoir visité le malade ; dans tous les cas, il notifie le placement aux procureurs de la république des arrondissemens où se trouvait domicilié l’aliéné, où est situé l’établissement. Ainsi la garantie de la justice intervient après, non avant l’internement : le ministère public a le devoir d’inspecter l’asile au moins tous les trois mois : dans cette visite trimestrielle, il examine les registres, les hôtes de la maison, provoque la sortie de ceux qui ne lui paraissent pas atteints d’aliénation mentale. Puis arrivent les délégués du ministre et du préfet, le président du tribunal, le juge de paix, le maire, les administrateurs des hospices, tous investis de la mission d’inspecter les asiles, mais sans qu’on ait déterminé le nombre, les époques des visites. Même vague, même incertitude pour les inspecteurs généraux : le législateur négligea de proportionner ce service aux besoins considérables que la loi allait faire naître. Cependant les décrets de 1848 et de 1852 réorganisèrent l’inspection générale des services administratifs qu’ils répartirent en trois sections : prisons, établissemens de bienfaisance, asiles d’aliénés ; la dernière se composait de trois inspecteurs, auxquels on laissa le caractère de délégués du ministre, de sorte qu’ils n’agissent point en vertu d’un droit propre, mais d’une délégation spéciale. Encore cette section particulière a-t-elle été supprimée par les décrets de 1880 et 1883, et n’a-t-on conservé qu’un seul inspecteur général qui n’a pas moins de 104 établissemens à visiter : 48 asiles publics, 14 quartiers d’hospice, 17 asiles privés faisant fonctions d’asiles publics, 25 maisons de santé. Fardeau écrasant pour un homme, quelle que soit son activité. Il n’y a donc plus d’inspection générale des aliénés ni de contrôle régulier de ce service par le gouvernement.

Ces mesures ont-elles, dans la pratique, répondu complètement aux espérances de ceux qui les édictèrent ? En 1838, les orateurs de l’opposition dénonçaient déjà leur insuffisance; MM. Odilon Barrot et Isambert consentaient bien qu’en cas d’urgence, l’autorité prescrivît le placement provisoire, mais ils voulaient réserver le droit de prononcer le placement définitif au pouvoir judiciaire, seul compétent pour trancher les questions d’état, de liberté, de capacité individuelle. D’autre part, MM. Salverte et Lavieille réclamaient auprès du préfet l’institution d’une commission spéciale