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du droit du plus fort, les tarifs obtiennent l’approbation du ministre de l’intérieur, qui prendra l’avis du conseil supérieur. La Belgique, pays de décentralisation par excellence, confie au gouvernement cette fixation, et les tarifs de journée y vont de fr. 84, prix de la colonie de Gheel, à 4 francs, prix fixé pour l’asile provisoire et de passage de Philippeville.

Est-ce tout? Est-ce assez? L’état qui commande, l’état qui nomme, contrôle, pourra-t-il rester l’état qui ne paie pas? Suffit-il de lui imposer le paiement des traitemens et pensions de retraite du per- sonnel médical[1], des médecins-secrétaires, des dépenses des aliénés criminels? Qu’est-ce qu’une contribution de 550,000 francs à peine, qu’il pourra d’ailleurs recouvrer par des taxes et des centimes spéciaux, alors que le contingent des départemens atteint, en 1885, la somme de 11,605,346 francs, celui des communes 5,284,758 francs? On veut assurer l’unité de direction, ôter tout prétexte à une ingérence léonine des conseils généraux, imprimer le mouvement du centre à la circonférence. Et quel meilleur moyen d’assurer, de justifier la suprématie de l’état, que de faire comme nos voisins d’outre-Manche? Les droits ne vont pas sans les devoirs. Lorsque la loi de 1869 investit le gouvernement du pouvoir dirigeant sur les enfans assistés, on comprit qu’il devait assumer une charge financière équivalente pour les frais d’inspection, de surveillance, et il fut taxé au cinquième des dépenses intérieures. Qui donc oserait prétendre que le service des aliénés n’égale pas en importance les autres services, qu’il n’exige pas au plus haut degré la vigilance de l’autorité publique? Tant vaut le contrôle, tant vaut ici le régime : dans aucun, les erreurs ne sont plus graves, les abus plus faciles. Et qu’on ne vienne pas objecter qu’il importe peu que ce soit l’état, les départemens ou les communes qui paient cette dépense. Sans doute, s’il y a beaucoup de budgets, il n’y a qu’une seule bourse, celle des contribuables, mais la distinction n’en garde pas moins son grand intérêt, car seul le gigantesque budget de l’état se prête, avec une merveilleuse élasticité, à toutes les combinaisons. L’homme est ainsi fait, qu’il respecte ce qu’il ne voit et ne comprend pas: l’état, personnage anonyme, comme le Fatum antique, placé très loin du contribuable, le domine comme une puissance mystérieuse, insondable et sacrée; les budgets des conseils généraux et des communes se meuvent dans une sphère plus étroite, où chacun veut avoir l’air de dépenser le moins possible ; ils passent sous les fourches caudines d’un public qui s’intéresse

  1. Les traitemens des inspecteurs généraux seraient de 8,000, 9,000 ou 10,000 francs, ceux des médecins secrétaires varieraient de 6,000 à 2,000.