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davantage aux choses locales, peut, en quelque sorte, les palper du doigt, y porter son esprit frondeur et pointilleux. Il y a tant de gens pour lesquels la patrie, c’est leur hameau, pour lesquels la politique n’est que le bruit de leur mairie ou de leur marché !

Isoler, ne pas interdire, tel fut le principe formulé par M. Dufaure en 1838 : les formalités coûteuses et prolongées, la publicité de l’interdiction, ne s’accordent guère avec les exigences médicales, deviennent souvent inutiles et pourraient même entraver la guérison ; d’où la nécessité de créer un régime intermédiaire, un régime particulier qui s’adaptât à une situation susceptible de changemens, offrît les avantages sans aucun des inconvéniens de l’interdiction ; d’où le pouvoir attribué au président du tribunal de nommer un administrateur provisoire aux biens, au besoin un curateur à la personne, chargé de veiller à ce que les revenus du malade soient employés à adoucir son sort, à ce qu’on le remette en liberté aussitôt que son état le permettra. On croyait donc avoir tout prévu ; il n’en était rien, il a fallu confesser l’abandon complet des aliénés qui ne sont ni séquestrés ni interdits, les abus qui se produisent dans l’administration provisoire, leur relation directe avec les questions de liberté individuelle. Les lois de tutelle, édictées au moment où la fortune immobilière existait à peu près seule, appellent une révision maintenant que les valeurs mobilières jouent un rôle prépondérant. Presque partout, sauf en France, on exige des tuteurs, des administrateurs provisoires, qu’ils rendent des comptes à des époques périodiques assez rapprochées. En Allemagne, malgré le peu de protection légale, il ne s’élève pas de plaintes contre les séquestrations arbitraires; pourquoi? Parce que, dans la plupart des états, le tuteur rend des comptes annuels. Grâce aux commissions permanentes, le nouveau projet assure le bienfait de l’administration provisoire à tous les aliénés séquestrés : les administrateurs qu’elles délégueront, avocats, avoués, notaires, recevront des émolumens, auront une capacité reconnue ; pour les actes majeurs, baux de longue durée, ventes de biens, ils doivent obtenir l’approbation du président du tribunal ou de la chambre du conseil ; ils rendront compte au procureur de la république. Quant au curateur à la personne, il devient obligatoire, lorsque le tribunal nomme un administrateur judiciaire ; dans les autres cas, ses fonctions se confondent avec celles de l’administrateur provisoire. L’expérience ayant prouvé que l’incapacité de l’aliéné est le fait général, sa capacité une rare exception, il semble juste et rationnel d’attacher au placement dans l’asile une présomption d’incapacité, et de déclarer annulables les actes consentis par l’aliéné, à moins que les parties