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Le roi Guillaume était un politique. Le lendemain, M. de Bismarck vint à l’ambassade de France; son ton s’était radouci, c’était le seul bénéfice que M. Benedetti eût retiré de son audience. Le ministre persistait dans son mauvais vouloir; il maintenait que notre démarche était prématurée et que nous devions attendre à Civita-Vecchia qu’elle devînt opportune. Il tenait à ce que la blessure faite à l’Italie demeurât béante et que notre drapeau, comme un défi aux aspirations italiennes, restât arboré sur un coin du territoire pontifical.

Le marquis de Moustier ne désespérait pas de la réunion de la conférence, malgré le mauvais vouloir qu’il relevait dans toutes les cours et particulièrement à Berlin. Son obstination grandissait avec les obstacles. Il se consacrait à la défense d’une noble cause digne de son talent et qui répondait à ses plus intimes convictions : il espérait conserver Rome aux catholiques, et réconcilier l’église avec les idées modernes. Convaincu que l’Europe ne pourrait rester indifférente au sort de la papauté, il adressait à ses agens, avec l’activité dévorante qu’il mettait aux questions qui le passionnaient, dépêches sur dépêches; il télégraphiait nuit et jour dans toutes les directions. « La plupart des gouvernemens, écrivait-il à Berlin, à la date du 23 novembre, dans un accès d’optimisme, ont répondu par une adhésion complète à la proposition que nous leur avions faite de se réunir en conférence ; les autres nous ont témoigné des dispositions qui nous laissent l’espoir d’un acquiescement prochain. Le comte de Bismarck, je regrette de le dire, est celui qui a manifesté le moins d’empressement à accueillir nos ouvertures. Il semble s’être proposé d’affaiblir les sentimens confians que nous avait inspirés le discours du roi, et il ne s’est attaché qu’à élever des doutes et à formuler des objections. »

« Les affaires italiennes intéressent tous les états européens qui ont des populations catholiques. Nous les avons invités tous, excepté la Turquie et la Grèce. Dans la Confédération du nord, nous n’avons exclu ni la Saxe ni Darmstadt. Nous n’avons jamais cessé d’entretenir des rapports diplomatiques avec la cour de Dresde, et notre démarche est un acte de courtoisie que nous lui devions. Nous n’avons entendu préjuger en rien les rapports légaux entre la Confédération du nord et la Saxe, ni détourner ce pays de ses engagemens particuliers. J’aurai peine à expliquer la persistance du comte de Bismarck à vouloir séparer sa politique de la nôtre dans une question où tout, au contraire, semblait devoir nous rapprocher. En s’associant à nous le gouvernement prussien servirait l’Italie, qui a intérêt à une prompte évacuation du territoire pontifical : il contribuerait à dissiper des deux côtés du Rhin tout ce qui pourrait rester encore dans les esprits des nuages soulevés par