Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à quelque insuffisance de l’impôt foncier. Lorsque l’aristocratie anglaise avait établi des droits élevés sur les céréales, on a pu présenter la taxe des pauvres comme ayant, jusqu’à un certain point, le caractère d’un « impôt compensateur. » L’emploi exceptionnel du mode progressif a été établi sur la taxe mobilière dans certaines villes, comme Paris, il y a déjà longtemps. Rien, dans cette mesure, ne relève d’une idée doctrinale. On a cherché dans le mode progressif établi sur la valeur locative, comme dans l’exemption des petits loyers, une compensation à l’octroi pour les familles les moins aisées. On a fait aussi un raisonnement qui tend à ne voir ici dans le mode progressif qu’un simple moyen de rendre l’impôt plus proportionnel, si on prend la valeur locative comme signe du revenu. On peut, en effet, présumer que celui qui met 2,000 francs à son loyer a un revenu approchant de 20,000 francs de rente ; on aurait tort de conclure de là que celui qui est logé pour 200 francs en a 2,000 ; un ménage qui aurait 2,000 ou 2,400 francs de revenu ne pourrait guère se loger à moins de 400 ou 500 francs. De là des surtaxes, des traitemens plus doux et même des exemptions à un certain taux de loyer. Dire qu’il ne subsiste pas une part d’arbitraire dans ces arrangemens serait se faire une étrange illusion. Tel conseil municipal qu’on devine aisément pourrait, demain même, abuser facilement de ces cotes progressives. Ce qui n’a été jusqu’ici qu’un procédé deviendrait un but bel et bien. En tout cas, ces mesures n’ont rien de commun avec les théories qui nivellent la richesse. Elles ne se proposent pas de la restreindre au nom du prétendu droit social d’attribuer à chacun sa part en fixant un minimum de fortune dont le législateur conserve, la faculté de se rendre l’arbitre. C’est ce qui fait qu’on peut les absoudre sans fermer les yeux sur ce qu’il y a d’incertain dans ces compensations et d’un peu périlleux dans ces mesures qui sortent des règles communes.

La plupart des systèmes mis en vigueur ou proposés par la démocratie avancée sont exposés à d’autres genres d’arbitraire. Même lorsque le radicalisme n’y est pour rien, il suffit de citer les impôts sur le revenu dans les pays où ils sont établis. L’arbitraire est plus ou moins dans les déclarations. L’arbitraire est dans les perquisitions. L’arbitraire est dans l’assiette. Exemple : on a beaucoup discuté la question de savoir s’il fallait distinguer pour les imposer différemment les revenus variables et les revenus fixes. Cela semblerait devoir aller de soi. Il y a des revenus, surtout dans le commerce, qui, selon les années et la situation des différentes branches du négoce, varient du simple au double. Cependant, presque toujours, il a fallu renoncer à ces distinctions pour ne pas s’y perdre. Comment ne pas voir un arbitraire tout à fait choquant dans certains