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modifications que la chambre a introduites dans quelques cédules. La législation fiscale de l’Italie offre des signes du même genre encore plus sensibles, tels qu’on peut se demander si les beaux jours des luttes florentines à coup d’impôts ne sont pas destinés à refleurir à terme plus ou moins prochain.

L’Allemagne et quelques autres états européens n’offrent pas un champ moins important aux investigations d’un politique et d’un économiste attentif à se rendre compte des principes, et des tendances comme des résultats. La Prusse a accompli des réformes fiscales souvent heureuses depuis 1810. On ne saurait considérer comme de ce nombre les impôts du revenu et des classes, établis sur la distinction des personnes et des situations. On y trouve quelques-uns des traits les plus saillans de l’ancienne capitation. Ces taxes s’en défendent pourtant. On prétend plutôt les rattacher simplement à la théorie qui cherche la richesse dans ses signes extérieurs. La façon de vivre des personnes n’a pas moins servi de base même à l’impôt qui établissait quatre classes dans les campagnes et autant dans les villes. Le seul énoncé montre les côtés factices d’une classification où on plaçait d’abord les grands propriétaires qui vivent du revenu de leurs terres et « qui se voient entre eux » (singulière marque !), puis les agriculteurs d’un ordre élevé qui dirigent leurs exploitations, ensuite les paysans qui mettent la main à la charrue, enfin les domestiques et les journaliers. On taxait d’une façon tout aussi artificielle dans les villes, en première ligne les hauts fonctionnaires, les capitalistes et les banquiers ; en seconde ligne, les bourgeois riches, puis les bourgeois inférieurs, et en dernier lieu les ouvriers. Ces classifications, datant de 1820, ont été révisées, et, sur ce motif trop fondé qu’elles manquaient de justesse et de précision, on les a encore multipliées, rendues encore plus arbitraires. On a fini par donner la préférence à l’impôt du revenu sur l’impôt des classes, et on y a introduit un principe de progression, très modéré, il est vrai. Sans se faire prophète de malheur, on peut se demander si le despotisme ou le socialisme ne sera jamais en disposition d’en abuser. L’impôt progressif sans limites assignables est la fatalité de l’impôt sur le revenu, ne l’oublions pas.

L’exemple de la Suisse ne paraît pas fait pour recommander les impôts sur le revenu et le capital, bien qu’ils y soient traditionnels. Un plébiscite a rejeté l’impôt progressif dans le canton de Neufchâtel. II fleurit à Zurich. Mais on a un exemple récent des entraînemens toujours possibles. En août1886, le grand conseil a voté l’établissement de l’impôt progressif dans le canton de Vaud. On y remarque un manque de mesure, un luxe de procédés de coercition, qui dépassent ce qu’on pouvait attendre de pire. Dans la loi nouvelle, quand