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des belles-lettres, sur le modèle de celles que la dynastie française se hâta d’établir à Madrid, en vue de discipliner des esprits rebelles et de faire diversion aux préoccupations politiques. Barcelone ne crut pas que cette compensation fût suffisante pour la consoler de la perte de son université, transférée à Cervère par décret royal. Le XVIIe siècle, moins stérile, avait vu paraître la Chronique générale de la principauté de Catalogne, par Jérôme Pujades (Barcelone. 1609), ouvrage classique, commencé en catalan, continué en castillan, et les Titres d’honneur de la Catalogne, du Roussillon et de la Cerdagne, par Andreu Bosch (Perpignan, 1628) ; compilations savantes et utiles qui ne déparent point l’admirable série de la bibliothèque historique, laquelle s’était enrichie, depuis le XVIe siècle, des Faits d’armes de Catalogne, par Bernard Boades (publié depuis par Mariano Aguiló) ; de l’Histoire de Catalogne, par Mallol, moine du couvent des Saintes-Croix, de l’ordre de Citeaux ; de la Généalogie des comtes de Barcelone, par Bérenguer de Monrabà ; de l’Histoire d’Aragon et de Catalogne, par le chevalier Pedre Tomich, dédiée à l’archevêque de Saragosse, réimprimée à Barcelone cette année même ; des Antiquités d’Aragon et de Catalogne, par le docte chevalier Turell ; des écrits du chanoine Tarafa, auteur d’un excellent nobiliaire, qui est encore aujourd’hui une des meilleures sources de l’histoire des comtés soumis à la suzeraineté des rois d’Aragon, et la plus précieuse généalogie des familles nobles et des grands vassaux de la couronne. La liste des ouvrages historiques serait trop longue si elle était complète.

Ceux de ces livres qui ont été imprimés sont devenus extrêmement rares. Les éditions publiées à Barcelone, à Valence, à Perpignan et ailleurs, dès la fin du XVe siècle, ne le sont guère moins que les manuscrits. On ne pourrait acquérir à prix d’or les œuvres imprimées du laborieux et savant polygraphe François Eximenis, docte franciscain, dont les volumineux écrits remplissent la fin du XIVe siècle et le commencement du XVe. C’est le plus fécond des écrivains catalans. La Vie de Jésus-Christ, le Livre des anges, le Guide du chrétien, ou le Gouvernement des princes, dont fait partie une singulière étude sur les femmes, farcie d’anecdotes tantôt édifiantes, tantôt scandaleuses ; d’autres encore, qui forment une vaste encyclopédie, comparable aux Miroirs de Vincent de Beauvais, peuvent donner quelque idée de la prodigieuse activité de plume de ce moine, aussi populaire par ses nombreux ouvrages que l’était Vincent Ferrier par ses prédications apostoliques. Une sorte de rivalité existait entre ces deux religieux appartenant à des ordres antagonistes. Rien que la collection très incomplète des écrits d’Eximenis, les deux Bibles valencienne et catalane qui se conservent au département des manuscrits