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elle va entrer en application ; elle mettra les Européens à même d’acheter en toute sécurité des terres dans l’ancienne régence.


II.

Pour que se développent les nombreux élémens de richesse de notre nouvelle possession africaine, il est nécessaire que l’administration y collabore. Il ne peut s’agir ici d’une intrusion dans les affaires de l’agriculture et de l’industrie ; les faveurs, les encouragemens, les subventions, la direction administrative, dont nous avons tant usé ailleurs, seraient des aides décevantes. L’administration doit à une colonie naissante un concours plus limité, mieux défini, mais cependant effectif. La première et la plus essentielle de ses attributions, c’est de garantir la sécurité. Sur ce point, on ne lui peut adresser aucun reproche. On est plus à l’abri d’attaques contre les personnes ou contre les biens dans les rues et dans la banlieue de Tunis que dans la banlieue et dans les rues de Paris. Même dans les campagnes éloignées, un Européen ne court aucun danger. Cette situation satisfaisante ne tient pas au nombre de troupes que nous entretenons dans l’ancienne régence : nous nous sommes un peu trop pressés de le réduire ; les garnisons sont faibles et très espacées; l’extrême sud n’est pas garni. On entretiendrait 3 ou 4.000 hommes de plus dans notre colonie, que ce serait une mesure de prudence, non pas pour les nécessités de la période de paix, mais pour les éventualités diverses que peut comporter l’état incertain de l’Europe.

La profonde sécurité dont on jouit actuellement en Tunisie vient de ce que la population indigène ne se sent pas froissée dans ses habitudes ni dans ses droits. Le régime du protectorat est plus souple et plus acceptable à tous que celui de l’annexion tel qu’on l’entend en France. Le maintien du bey et de nombreux fonctionnaires musulmans, qui sont nos intermédiaires, satisfait à la fois l’amour-propre des Arabes, et le besoin de places qu’éprouvent en tout pays la classe élevée et la classe moyenne. En Algérie, nous avons nécessairement indisposé ces deux classes parce que nous ne leur faisons, du moins en territoire civil, aucune place dans l’administration. Il faudra avec le temps changer ce système. A Tunis, nous sommes plus habiles. Les administrateurs français, un peu comme les résidens hollandais à Java, sont des tuteurs discrets, des conseillers pleins d’autorité, mais qui ne sont pas jaloux de l’apparence du pouvoir. Nous avons eu la fortune, qui nous est rarement