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s’annonce même comme plus considérable. Cependant aucun impôt nouveau n’a été établi. Quelques impôts anciens ont même été ou allégés ou supprimés, notamment le droit d’exportation sur les céréales. En outre, dans le budget des dépenses de 1885-86, une Comme de 9,944,000 piastres, soit approximativement 6 millions de francs, représentait les sommes consacrées aux travaux publics[1].


III.

Devant ces résultats, acquis dans la brève période de cinq années, il semble qu’il devrait y avoir un sentiment général de satisfaction. Il ne faudrait pas s’abandonner à cette confiance : ce serait mal connaître l’impatience naturelle au colon, surtout au colon français. On s’imagine qu’il suffit de changer de lieu pour rassembler en quelques mois une fortune, que, dans une colonie, toutes les spéculations doivent promptement réussir et que le temps ne fait rien à l’affaire. Il y fait beaucoup, c’est le grand maître : les longs efforts sont aussi indispensables dans une colonie que dans une vieille contrée ; ils y sont seulement plus productifs.

Nos colons de là-bas se plaignent donc. On a constitué avec raison une chambre de commerce de Tunis, et son premier soin, comme celui de toute assemblée, c’est de faire entendre des doléances; la plainte est si naturelle à l’homme ! Nous avons sous les yeux une brochure de cette chambre de commerce intitulée : Exposé de la situation économique de la régence de Tunis, et portant le sous-titre : Nécessité de l’assimilation des produits tunisiens aux produits algériens à leur entrée en France. Nous approuvons beaucoup ce sous-titre et l’idée qu’il exprime ; cette assimilation, nous l’avons demandée bien des fois ; le gouvernement français ne saurait plus longtemps négliger de s’en sérieusement occuper. La thèse de la chambre de commerce de Tunis est donc excellente ; mais pourquoi faut-il qu’elle la gâte par de déplorables exagérations? A l’en croire, il semblerait que la Tunisie serait en décadence, que, depuis l’administration française, elle ait reculé. Peut-on soutenir des idées aussi peu

  1. d’après le Bulletin de statistique et de législation comparée du mois d’octobre 1886, les excédens des exercices écoulés depuis l’occupation, défalcation faite de la dotation d’un fonds de réserve, s’élèvent à la somme de 16,232,000 piastres, soit plus de 10 millions de francs, sur lesquels un décret du 12 juillet 1886 a affecté 11 millions 232,0G0 piastres, soit près de 7 millions de francs, à la construction du port de Tunis.