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déplacés, que d’autres étaient taris, que les gorges et les ravins désignés sous le nom générique de cañadas avaient autrefois servi de lits à des rivières, et que l’or abondait dans ce sol d’alluvion. Pour l’exploiter, il fallait y ramener l’eau nécessaire au lavage des terres. On commença par capter à distance une source ou par pratiquer une saignée sur un cours d’eau en ménageant une pente suffisante. Le bois était abondant ; on s’en servit pour installer des rigoles et amener l’eau dans de vastes réservoirs où on l’emmagasinait. On obtenait ainsi une pression considérable. A l’aide de forts tuyaux, semblables à ceux de nos pompes à incendie, on attaquait par la force hydraulique la base de la colline que l’on voulait exploiter. L’eau, violemment projetée, entraînait avec elle la terre, le sable et les cailloux, qui, encaissés entre des troncs d’arbres, roulaient bruyamment sur de longs treillis en fil de fer, munis d’un double fond en bois. La terre et les cailloux étaient balayés par l’eau ; l’or, plus pesant, tombait au fond mélangé de sable ferrugineux. On procédait alors comme nous l’avons décrit plus haut, pour dégager l’or de tout alliage.

Appliqué d’abord sur une petite échelle à des localités exceptionnellement riches et favorablement situées, ce système ne tarda pas à s’étendre et donna naissance aux premières compagnies par actions qui se créèrent à San-Francisco. Elles n’exploitaient pas de mines pour leur propre compte; elles se bornaient à vendre aux mineurs la quantité d’eau dont ils avaient besoin. Cette vente s’effectuait au pouce, c’est-à-dire que la compagnie alimentait régulièrement à une pression déterminée un tuyau mesurant un ou plusieurs pouces d’orifice. La force de projection était telle qu’un homme atteint était un homme mort, et qu’elle jetait bas une colline en moins de temps que ne le pourraient faire cent ouvriers se relayant jour et nuit. Dans les grandes exploitations, on se servait de tuyaux en fer déchargeant de 300 à 800 pouces d’eau par un orifice de 4 à S pouces de diamètre. Un pareil jet, sous la pression d’une colonne d’eau de plusieurs centaines de pieds, faisait voler en éclats des quartiers de roche et déracinait les montagnes par le pied. Parfois, des éboulemens soudains ensevelissaient les ouvriers. On ne perdait pas son temps à déblayer; on diminuait la pression d’eau et l’on se servait du jet pour les dégager, morts ou vivans[1].

Avec des moyens d’action aussi puissans, on obtenait des résultats considérables. Voici ceux que donnait par semaine une mine de rendement moyen, travaillée par dix ouvriers et consommant 200 pouces d’eau. La redevance pour l’eau était de 1,500 francs,

  1. The Ressources of California, by John Hittell.