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la perte de mercure et l’usure des outils, 500 francs, soit 2,000 fr. par semaine. Le résultat moyen était de 15,000 francs, ce qui laissait 13,000 francs à répartir entre les exploitans. Sur certains points, on arrivait à des résultats bien supérieurs. On ne saurait sans l’avoir vu se faire une idée des étonnans bouleversemens du sol dans les placers californiens. Sur d’immenses espaces, les collines ont été nivelées, la terre végétale balayée dans les vallées, les ravines comblées ; on ne voit que cailloux roulés, quartiers de rochers brisés ; il semble qu’une génération de Titans ait passé là laissant derrière elle la désolation et la mort. Toute trace de végétation a disparu. De loin en loin, sur ce sol dénudé, fouillé, épuisé, on rencontre de rares campemens de Chinois cherchant dans ces débris quelques parcelles d’or.

A mesure que l’exploitation des mines se régularisait, que l’action collective se substituait à l’effort individuel et le calcul au hasard, bon nombre de mineurs aventureux s’enfonçaient de plus en plus dans l’intérieur. Un travail régulier, rémunéré même à un taux élevé, mais qui ne comportait aucun aléa, leur répugnait. Ce qu’ils voulaient, c’étaient les émotions du jeu, les chances de fortunes soudaines ; ils préféraient les misères et les privations avec les alternatives de riches trouvailles. Leur humeur vagabonde les poussait à prospecter sans cesse, d’heureux hasards soutenaient leur courage et entretenaient leurs espérances. Ils se racontaient l’un à l’autre des récits fabuleux, des légendes dorées empruntées aux Indiens. Plus loin, entre ces pics sourcilleux de la Sierra-Madre, existaient des rochers d’or massif. C’était de là, de ces sommets inaccessibles, couverts de neiges éternelles, que les pluies, les orages, les tremblemens de terre avaient détaché, entraîné, roulé par les plaines et les ravins ces parcelles du précieux métal. Cet or, qu’ils recueillaient en pépites et en poudre, ne jaillissait pas spontanément du sol. En remontant son cours, on devait atteindre sa source, et, en dépit des obstacles, ils poussaient toujours plus avant, comptant sur leur persévérance et le hasard. Le hasard les servit.

L’un d’eux prospectait dans le comté de Mariposa. La journée avait été fructueuse ; au tournant d’un ravin, il se rencontra brusquement avec un des bandits qui infestaient les mines. Sommé de livrer ce qu’il portait sur lui, il riposta par un coup de carabine et tua son adversaire. Sa balle, en ricochant, heurta une paroi de rocher et y laissa une trace brillante qui attira son attention. Abandonnant son ennemi mort, il examina de plus près. Ce point brillant, c’était de l’or, et le rocher que sa balle avait écorné était du quartz. Le bruit de sa découverte se répandit, mais ce pouvait