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adverse, cherchaient à faire argent de tout pour les suivre. A San-Francisco, la panique régnait, on tenait la ville pour ruinée ; le sceptre du Pacifique allait passer aux mains de Victoria-City, métropole de la colonie anglaise. En trois mois, la valeur des propriétés baissa de 80 pour 100 ; l’une d’elles, Blythes Gore, entre les rues Market et Geary, dont on a offert, en 1876, 7,500,000 francs, que le propriétaire a refusés, ne trouvait pas acquéreur à 150,000 francs.

Négocians, banquiers, hommes de loi, tous prenaient leurs mesures pour transporter leurs maisons de commerce, leurs fonds et leurs bureaux à Victoria, où régnait une agitation indescriptible qui rappelait les premiers temps de la Californie. En juin, les eaux du Fraser commencèrent à baisser ; en juillet, on s’aperçut que l’or n’était pas plus abondant dans le fit en partie vide que sur les bords ; en août, on ne croyait plus à la richesse de ces nouveaux placers ; en septembre, on revenait en foule. On évalue à 45 millions la somme en numéraire que cette aventureuse campagne coûta aux mineurs trop crédules, sans tenir compte de la perte, bien plus considérable encore, qu’ils eurent à subir du fait de la vente à tout prix de leurs claims abandonnés. San-Francisco se remit vite de cette panique. L’exode et le retour des mineurs enrichirent les hôteliers, les restaurateurs et les cabaretiers de la ville, puis l’écho de ces rumeurs fabuleuses avait donné une impulsion nouvelle à l’émigration ; 13,000 nouveaux colons arrivaient par mer des états de l’Atlantique. Quant à ceux qui revenaient désappointés des bords du Fraser, ils juraient qu’on ne les y reprendrait plus et rentraient, bien décidés à se fixer en Californie. A la fin de l’année, il ne restait plus trace de l’excitement ; le prix des terrains dépassait celui côté antérieurement, mais nombre de propriétés avaient changé de mains et la fortune favorisait, une fois de plus, ceux dont la foi dans l’avenir était restée ferme.

Un an plus tard, une découverte bien autrement sérieuse devait encore accroître l’importance de la métropole du Pacifique, qui semblait sortir plus vivace et plus forte de chaque épreuve qu’elle traversait.

En juin 1859, deux mineurs irlandais, Peter O’Reilly et Patrick Mac Laughlin, exploitaient, sans grand profit, un claim situé sur les confins du territoire de l’Utah, aux environs du lac Washoë, quand ils rencontrèrent un filon de minerai argentifère. L’or s’y trouvait mêlé à l’argent en quantité suffisante pour laisser croire aux mineurs inexpérimentés qu’ils se trouvaient sur un filon aurifère et, ce qu’il y a de plus étrange, cette erreur fut partagée par des hommes de science. M. L. Simonin, dans son intéressant volume, A travers les États-Unis, de l’Atlantique au Pacifique, raconte ce qui suit : « J’étais à cette époque en Californie, chargé de diriger