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pour 100 par an, la réalité demeure encore au-dessous de l’attente.

La plupart des actions se capitalisaient à un taux de revenu de 5 pour 100 par mois. A mesure que les travaux avançaient, on se rendait mieux compte de la valeur du filon. Son épaisseur variait de cent à deux cents pieds dans la direction du méridien magnétique, c’est-à-dire à 15 degrés à l’est du nord vrai. La plus grande profondeur à laquelle on l’ait exploité est de neuf cents pieds. Ce filon ressemble à une immense fissure, entre les roches granitiques et les roches de porphyre vert, remplie après coup. En se rapprochant de la surface du sol, il se renfle et projette à l’extérieur des arêtes de quartz formant affleurement.

Les ingénieurs estiment que cette fissure est due à quelque mouvement volcanique. Des dégagemens gazeux ont entraîné le minerai mélangé de quartz et d’argile grasse, bleuâtre et polie, semée de stries, et qui, sous l’énorme pression qu’elle a subie, se dresse en parois lisses que les mineurs désignent sous le nom de miroirs. Çà et là le filon est brusquement interrompu par d’énormes blocs de porphyre évidemment détachés du toit de la fissure. Il faut les forer pour retrouver le filon au-delà. Les mineurs appellent chevaux ces masses improductives qui, tout à coup, leur barrent la route et les condamnent à un travail ingrat.

Le minerai est du sulfure d’argent presque pur, mélangé à un peu d’argent rouge ou sulfure d’argent, d’antimoine et d’arsenic, à la galène ou sulfure de plomb argentifère, et enfin au chlorure d’argent, dit argent corné, que les mineurs de l’Amérique espagnole désignent sous le nom de plata plombo ou argent-plomb, à cause de sa propriété d’être tendre et flexible et de se laisser couper au couteau comme le plomb. Le filon de Comstock en contenait, par place, des amas considérables, presque purs, qui ont, en quelques jours, enrichi les exploitans. Les mineurs, empruntant dès le début beaucoup de mots à la langue espagnole, plus riche que l’anglais en expressions minières, désignent sous le nom de bonanzas ces accumulations de minerais formant poches entre des roches souvent improductives. Certaines de ces bonanzas sont restées célèbres. On cite entre autres celle de la mine de Valenciana, au Mexique, qui, rencontrée inopinément en 1768, rendit pendant trente-deux ans plus de 7 millions par an et fit de son heureux propriétaire, señor Obrigo, le comte de Valenciana, et l’homme le plus riche de son pays et de son temps. La bonanza de Real-del-Monte, sur la Veta-Madre, également au Mexique, donna en douze ans, de 1759 à 1771, à don Pedro Torreros, depuis comte de Regla, plus de 30 millions nets.

Plusieurs de ces bonanzas, rencontrées sur le filon de Comstock, ont, à diverses reprises, déterminé des hausses considérables sur