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cette question pût être débattue ne montrait que trop où nous avait menés la politique funeste des nationalités.


III. — UN ENTRETIEN DU ROI VICTOR-EMMANUEL AVEC LE BARON DE MALARET.

Les états pontificaux étaient délivrés de la révolution, ses chefs et ses soldats s’étaient dispersés en tous sens, l’aventure de Garibaldi avait piteusement avorté au détriment de la cause nationale. Toute chance de conflit entre la France et l’Italie avait disparu. Victor-Emmanuel s’était hâté, après Mentana, de retirer son armée du territoire pontifical, et son gouvernement avait hautement désavoué les plébiscites que les agens de M. Rattazzi avaient, en recourant à l’intimidation, provoqués dans les provinces romaines. Par le retrait de ses troupes, le cabinet de Florence s’était mis à l’abri de fâcheuses rencontres avec les soldats français ou pontificaux : il avait prévenu nos réclamations. Après avoir bravé la France par son intervention, il ne se souciait pas de perdre le bénéfice de son audace et de sortir des états du saint-siège sous le coup d’une humiliante sommation. Ses résolutions lui étaient imposées, d’ailleurs, par une impérieuse nécessité, il y allait du salut de l’Italie. Le général Menabrea croyait savoir que le parti clérical, à Paris, grisé par les coups si rapidement portés à la révolution, était menaçant dans ses propos et qu’il ne parlait de rien moins que de défaire l’œuvre de 1859. Il importait, dès lors, de donner à la France, sans tarder, des gages manifestes de bon vouloir et d’affirmer hautement le maintien de l’alliance. C’était l’unique moyen de se prémunir contre les influences ultramontaines qui s’agitaient aux Tuileries et dans les sphères gouvernementales et qui auraient pu entraîner la politique française à des actes d’hostilité.

L’empereur, il est vrai, ne partageait pas l’irritation de ses entours, il n’avait aucune envie de détruire ce qu’il avait édifié. L’Italie lui était toujours chère, il avait pour elle des tendresses paternelles, elle était sa création et il n’entendait pas compromettre le cours de ses destinées. Il n’était intervenu dans la péninsule qu’avec tristesse, sous la pression de sa cour et de ses ministres, pour ne pas exaspérer les consciences catholiques et pour n’être pas accusé d’avoir livré le pape à la révolution. Il avait, au contraire, hâte de faire oublier à l’Italie les atteintes qu’il avait fait subir à son amour-propre. Loin de songer à lui faire expier ses entraînemens, il s’appliquait à cicatriser ses blessures, il écrivait au roi et comblait sa diplomatie des plus délicates attentions. Il savait par les grâces de son cœur et l’aménité de ses manières apaiser les ressentimens ; il souffrait des froissemens qu’il causait à ceux qu’il aimait.

La presse officieuse fut invitée à rendre hommage à la loyauté