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était manifeste. M. Rattazzi, d’ailleurs, loin d’être disgracié, se reposait à Naples, dans un château royal, des émotions de sa déloyale et déplorable campagne.

Le roi, dans ses épanchemens avec notre envoyé, n’en protestait que plus chaleureusement de son attachement à l’empereur. Il parlait des événemens des derniers mois qui nous avaient valu de si chaudes alarmes, avec le détachement d’esprit d’un philosophe exempt de tout reproche; il se justifiait en soutenant qu’il n’avait rien négligé, dans la limite étroite de ses pouvoirs constitutionnels, pour les contenir : il avait déploré et blâmé les compromissions de son cabinet avec le parti avancé, et il n’avait pas hésité à sacrifier son ministre dès qu’il s’était aperçu qu’il allait le brouiller avec la France. Mais il regrettait que, par la précipitation de notre intervention, nous l’eussions empêché de mettre à exécution le plan qu’il avait médité pour débarrasser d’un seul coup la France. L’Italie et la papauté de la révolution. Ce plan était fort simple : Pie IX en sûreté au château Saint-Ange, il eût laissé les garibaldiens pénétrer dans Rome comme dans une souricière; il s’y serait jeté à leur suite à la tête de son armée et il les eût anéantis jusqu’au dernier. Victor-Emmanuel avait l’humeur légèrement gasconne: il n’était pas aussi sanguinaire qu’il se plaisait à le faire croire ; son cœur était excellent, il n’eût point massacré les auxiliaires de sa fortune; mais il espérait dégager sa responsabilité, se laver du reproche d’ingratitude en nous convainquant que, loin de pactiser avec les révolutionnaires, il songeait aux moyens de les exterminer. Il disait aussi que, pendant toute la durée du ministère Ricasoli, il avait eu de mystérieux pourparlers avec le Vatican. Il prétendait que le pape s’était montré disposé à faire à l’Italie plus d’une concession, que déjà il l’avait amené à des transactions sur les biens ecclésiastiques et à lui concéder la garde de ses états, que s’il avait résisté sur la question de « Rome capitale, » il avait cependant donné à entendre que les difficultés à vaincre n’étaient nullement insurmontables. Pie IX avait pour Victor-Emmanuel, au fond du cœur, de suprêmes indulgences; n’étaient-ils pas Italiens tous deux? Mais il n’était pas d’humeur, ses encycliques et les résistances qu’il nous opposait ne le prouvaient que trop, à sacrifier le domaine de Saint-Pierre à la maison de Savoie. Le roi n’en affirmait pas moins que, sans l’obstination du baron Ricasoli à refuser le ministère des finances au personnage qui lui servait d’intermédiaire au Vatican, le pape se serait réconcilié avec l’unité italienne. Victor-Emmanuel souvent avait mis notre crédulité à l’épreuve, mais cette fois il dépassait la mesure.

M. de Malaret était pénétré du respect que les diplomates doivent aux souverains auprès desquels ils sont accrédités, alors même