Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/782

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux jésuites de Pékin, à leur doctrine et à leur science. Sous le premier successeur de Kang-bi, Young-tching, puis sous Kien-long, qui régna jusqu’au temps de la révolution française, des ordonnances sévères furent promulguées contre les chrétiens. Il n’y eut guère d’exception que pour les missionnaires attachés à la cour, jésuites d’abord, puis lazaristes après la dissolution de la compagnie. La mission de Pékin, bien déchue depuis cette transformation, s’est maintenue néanmoins jusqu’au commencement de notre siècle, grâce aux services qu’elle rendait au gouvernement chinois. Jusqu’en 1814, les fonctions de président du tribunal des mathématiques étaient remplies par un religieux européen, d’ordinaire un Français. À cette époque, les missionnaires de Pékin eux-mêmes sont dispersés et il ne reste plus en Chine que quelques religieux obligés de se cacher pour échapper aux poursuites des mandarins, au bout desquelles pouvait être le martyre. En effet, des peines draconiennes avaient été prononcées par le code pénal de 1814, sous l’empereur Kia-king, contre les chrétiens étrangers et indigènes, contre ceux qui voudraient se convertir à leurs doctrines, contre les magistrats qui ne sauraient s’opposer à ces conversions.


II

Telle était la situation quand M. de Lagrenée fut envoyé en Chine par le roi Louis-Philippe et par M. Guizot pour négocier un traité d’amitié et de commerce. C’était au lendemain de la première guerre entre l’Angleterre et le Céleste-Empire, de cette guerre dont l’opium avait été la cause déterminante. L’emploi que faisait de ses forces la première puissance navale et commerçante du globe n’était pas de nature à dissiper les méfiances et les préjugés séculaires des Chinois contre les étrangers, mais on ne pouvait guère refuser aux uns ce qu’on avait accordé aux autres. Le gouvernement impérial comprit du reste que, forcé qu’il était de rompre avec la politique d’isolement, il aurait avantage à entrer en rapports avec toutes les puissances pour tabler sur leurs rivalités, plutôt que de rester en tête-à-tête avec les Anglais. La France et les autres états maritimes de l’Europe passèrent ainsi par la brèche que l’Angleterre avait ouverte.

Le traité signé le 24 septembre 1844, à bord de la corvette l’Archimède, à Whampoa, est une œuvre remarquable qui, aux faveurs accordées aux sujets britanniques, joint de précieux avantages pour nos nationaux. M. de Lagrenée était trop pénétré des