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extrémité de la terre, après plus de six mois de navigation, — on vit cette petite armée imposer la volonté des puissances alliées au plus grand empire du monde[1]. A l’approche des troupes étrangères, quand il devint manifeste que les subtilités de la diplomatie ne suffiraient pas à les arrêter, l’empereur Hien-foung s’enfuit en Tartarie, comme le roi d’Annam s’est échappé l’année dernière de son palais de Hué. Mais, en partant, l’empereur laissait derrière lui un membre de sa famille, le prince Kong, qui se montra un grand politique et un grand patriote. Le prince eut le courage de conclure une paix devenue inévitable : il sauva la dynastie tartare en signant avec les alliés des conventions qui portaient ratification des traités de 1858 et en souscrivant aux concessions nécessaires pour obtenir l’évacuation de Pékin. Pourquoi faut-il qu’à l’impression de grandeur laissée en Chine par une expédition qui semble tenir du roman, se mêlent les souvenirs de la destruction du Palais d’été, pillé d’abord par les troupes, puis, malgré les efforts du baron Gros, ambassadeur de France, incendié par ordre du général anglais ? Et comment s’étonner qu’après la guerre de l’opium et après les excès de 1860, les Européens restent pour les Chinois les barbares des mers occidentales ? On a pu obtenir en 1860 que la chancellerie impériale renonçât pour l’avenir à employer ce terme blessant dans ses communications officielles ; mais le moment était mal choisi pour convaincre les Chinois de leur erreur.

La situation actuelle des chrétiens en Chine a été établie par le traité de Tientsin et par la convention additionnelle de Pékin du 26 octobre 1860. Le traité de Tientsin consacre la liberté du culte chrétien, ainsi que le droit pour les missionnaires de se fixer dans l’intérieur de la Chine. Il proclame en outre l’abrogation de toutes les lois chinoises rendues contre les chrétiens, et permet aux sujets de l’empereur d’embrasser le christianisme. La convention de Pékin, dictée par le baron Gros au moment où les troupes du général Cousin-Montauban campaient devant les murs de Pékin, est plus catégorique encore. Elle stipule que, conformément à l’édit rendu par Tao-kouang en 1846 et resté à l’état de lettre morte, les anciens établissemens religieux confisqués aux missions leur seront rendus.

Pékin compte quatre sanctuaires catholiques portant les noms des quatre points cardinaux. En 1860, un seul était debout, celui du sud, le Nantang, abandonné depuis longtemps et

  1. Il faut se rappeler toutefois que la moitié de la Chine était alors aux mains des Taïpings. Il est probable que, sans cette coïncidence, les alliés auraient rencontré une résistance plus sérieuse.