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le maréchal Tso sont morts, il est le premier homme d’état de la Chine. Souvent désigné pour négocier des traités avec les puissances étrangères, il a appris peu à peu tout ce que peut connaître de l’Europe un homme qui n’entend que la langue chinoise et dont la vie s’est écoulée tout entière aux bords du Fleuve Bleu ou du Peï-ho. Son palais à Tientsin est le centre d’intrigues incessantes, ourdies par des gens de toute provenance qui se disputent avec acharnement l’honneur lucratif de le servir. Il s’agissait de trouver dans ce milieu un ambassadeur ayant les qualités requises pour suivre une négociation délicate avec la cour du Vatican. Le choix du vice-roi s’arrêta sur un ex-employé de la douane à Tientsin, M. Dunn. (En Chine, la douane mène à tout, — depuis que le gouvernement chinois a eu la bonne fortune de trouver dans le directeur général de cette administration, sir Robert Hart, un conseiller de premier ordre, dont les avis sont avec raison si hautement appréciés à Pékin.) M. Dunn s’embarqua pour Rome et faillit, comme on sait, brouiller la France et le saint-siège. Il y aurait peut-être réussi si la chaire de Saint-Pierre n’était occupée par un pontife aussi éminent que le chef actuel de l’église.

L’envoyé de Li-hung-tchang devait d’abord traiter la rétrocession du Petang. Il était autorisé, en outre, à profiter de l’occasion pour proposer, au nom de la Chine, l’établissement de rapports diplomatiques directs entre le saint-siège et la cour de Pékin. Mais cette seconde question passa bientôt au premier plan. L’émissaire chinois, en effet, ne tarda pas à reconnaître que la rétrocession du Petang ne pouvait pas être négociée à Rome et qu’on avait fait une fausse manœuvre en l’accréditant auprès du pape pour une affaire qui regardait la France. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler que le Petang a été créé par la mission des jésuites français envoyés en Chine aux frais du gouvernement français, sous Louis XIV, que les lazaristes ont été substitués aux jésuites par un décret de la propagande du 7 décembre 1783, que, d’après ce décret, le roi très chrétien a le droit de disposer seul de tous les biens que les missionnaires doivent aux rois de France et aux chrétiens français, qu’enfin le Petang a été restitué en 1860 aux lazaristes par la France et rebâti aux frais du gouvernement de l’empereur Napoléon. C’est donc à la France et à la Chine qu’il appartenait de s’entendre pour régler cette délicate question, de concert avec les lazaristes. Ceux-ci étaient arrivés à la conviction qu’une résistance plus longue aux prétentions de la cour de Chine ne pouvait qu’accroître les animosités auxquelles ils sont en butte comme missionnaires et comme chrétiens. Ils étaient disposés à abandonner, moyennant un autre terrain et une large indemnité, l’antique