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d’Italie. » On avait compté, depuis 1849, sur les conseils du temps, sur le retour de Pie IX aux idées italiennes qui avaient présidé à son avènement au trône pontifical; on avait escompté sa disparition, on avait spéculé sur la sagesse de son successeur, mais la politique passionnée de la curie et la volonté divine avaient déjoué ces calculs inspirés du fatum antique. L’événement nous avait surpris dans les conditions les plus fâcheuses, à l’heure où la Prusse, confiante en sa supériorité militaire, procédait à la transformation de l’Allemagne. Sous le coup d’une impérieuse nécessité, l’empereur avait dû faire partir un corps d’armée pour Rome ; son honneur lui commandait de sauver le pape et de ne pas laisser déchirer un traité auquel il avait apposé sa signature. Notre flotte était partie précipitamment sans qu’on eût arrêté un programme, sans qu’on eût pesé les conséquences d’une intervention qui pouvait nous mettre aux prises avec l’Italie, et, par contre-coup, avec son alliée de 1866. Notre ministre des affaires étrangères s’était borné à adresser un appel aux puissances catholiques avec l’illusion qu’elles s’empresseraient de nous seconder et de partager nos responsabilités. Faute de prévoyance et de décision, le gouvernement de l’empereur avait laissé échapper les occasions qui s’étaient offertes à lui pour sortir d’une passe dangereuse. M. Nigra, dans l’espoir de conjurer le départ de notre corps expéditionnaire, était venu, à la fin d’octobre, nous proposer une entente directe réservée à la sanction d’un congrès : « l’entrée des troupes italiennes sur le territoire pontifical, disait-il, ne préjugerait nullement la question de souveraineté; l’Italie se mettrait d’accord avec la France pour assurer l’indépendance du pape, elle accepterait un congrès des puissances pour résoudre définitivement la question romaine. » La politique italienne, débordée par la révolution et menacée d’une intervention française, ne demandait à ce moment qu’à transiger sur la question romaine; elle ne réclamait, pour sauvegarder son amour-propre, que quelques modifications à la convention de septembre et le droit de coopérer avec nous au rétablissement de l’ordre dans les états du saint-siège.

Il nous eût été aisé, à cette heure psychologique, de sauver Rome avec une partie de son territoire et d’obtenir du cabinet de Florence aux abois, déçu par la Prusse et l’Angleterre, au prix de quelques concessions faites au sentiment national, le traité d’alliance que l’empereur devait poursuivre en vain jusqu’à la veille de ses défaites. La menace de notre intervention épouvantait l’Italie, elle cherchait à la conjurer à tout prix, elle craignait qu’elle n’eût pour ses destinées des conséquences mortelles. Le général de La Marmora avait été envoyé en mission à Paris ; nulle parole ne pouvait être plus autorisée que la sienne à promettre, et à faire accueillir