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et iconoclastes en vinrent aux mains partout, et Léon passa pour un persécuteur plus odieux que Néron.

Nettement le pape Grégoire II désobéit aux ordres impériaux, et il signifia par lettres sa désobéissance à l’empereur. Grégoire III fit davantage. En l’année 731, un concile tenu à Rome déclare « exclu du corps et du sang de Jésus-Christ et de l’unité de l’église quiconque déposera, détruira, profanera ou blasphémera les saintes images. » C’était, sous forme d’excommunication, une déclaration de guerre à Léon. Déjà de véritables hostilités avaient commencé. Grégoire II « s’était armé contre l’empereur, dit son biographe, comme contre un ennemi. » La Péninsule se met encore une fois en mouvement ; les armées de la Pentapole et de la Vénétie entrent en campagne ; « partout en Italie on élit des chefs. » L’empereur rompt toutes communications diplomatiques avec le pape et les révoltés, dont il fait arrêter les messagers en Sicile. Il met la main sur les biens pontificaux dans le midi de l’Italie, qui lui est demeuré fidèle. À l’anathème il est tout près de répliquer par le schisme. La rupture semble complète et définitive.

Cependant le pape hésitait encore. Il est douteux qu’il ait alors voulu pour toujours se détacher de l’empereur. Il était retenu par l’habitude, par le respect, mais aussi par l’inquiétude que lui donnaient certains événemens qui s’accomplissaient en Italie. Les Lombards profitaient du désordre pour pousser leur fortune. Ils avaient fait rage contre les iconoclastes et s’étaient joints aux Italiens pour défendre Grégoire II ; ils s’étaient même unis aux Romains, dit le Liber pontificalis, « comme à des frères par la chaîne de la foi, ne demandant qu’à subir une mort glorieuse en combattant pour le pontife ; » mais ils avaient mis la main sur Ravenne et fait une tentative sur Rome. Certainement le roi Liudprand avait la volonté arrêtée d’achever la conquête de l’Italie ; il lui fallait « Rome capitale ; » mais le pape était très déterminé à ne pas souffrir auprès de lui un roi qui serait devenu un maître. Il savait de quel prix le patriarche de Constantinople payait le voisinage de l’empereur, et il n’avait pas oublié qu’Odoacre et Théodoric avaient exercé sérieusement leurs droits royaux sur l’évêché de Rome. C’est pourquoi Grégoire II, au moment même où il désobéissait à l’empereur, empêchait les révoltés d’élire un anticésar, et s’adressait au duc grec de Venise pour le prier de faire rentrer Ravenne dans le « giron de la sainte république et dans le service de l’empereur. » S’il l’avait pu, il aurait pratiqué la politique des papes du XVe siècle, et pris la devise fameuse : « Hors les barbares ! » Ravenne fut reprise, en effet, mais Liudprand vint camper devant Rome : le pape se rendit au-devant de lui, et il « apaisa son âme