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— trop spirituel peut-être quelquefois, — de ses aventures de voyage. En attendant donc que les chemins de fer de l’avenir transportent un jour nos neveux jusqu’aux bords de l’Euphrate, et que l’on s’arrête, pour déjeuner, au buffet de Ninive ou de Babylone, on ne saurait souhaiter de meilleur guide, ni plus aimable, que Mme Dieulafoy, d’une humeur plus égale, ni d’une curiosité plus diverse et plus éveillée. Nous ne dirons rien des gravures, si ce n’est qu’elles ont la netteté d’aspect et la réelle beauté d’exécution que nous avons accoutumé d’admirer dans les volumes de cette belle collection.

Après avoir terminé cette grande Histoire romaine dont les monumentales proportions semblaient défier les forces d’un seul homme, M. Victor Duruy ne s’est point reposé ; et le voici qui nous rend aujourd’hui l’Histoire des Grecs depuis les temps les plus reculés jusqu’à la réduction de la Grèce en province romaine. Le plan général en est le même que celui de l’Histoire des Romains ; l’illustration, d’après les monumens, en est conçue dans le même esprit ; quant au texte, nos lecteurs ont déjà pu en juger et l’apprécier eux-mêmes. Mais pourquoi nous refuserions-nous le plaisir de dire que ce que nous admirons peut-être le plus dans ce beau livre, c’est la sûreté de coup d’œil et la liberté de jugement, c’est la vigueur d’esprit et la vivacité de cœur dont l’auteur y fait preuve, à chaque page, presque à chaque ligne, et, après cinquante ans de labeur ininterrompu, l’ardeur d’un jeune homme au travail ?

L’Histoire de l’art dans l’antiquité, par MM. George Perrot et Charles Chipiez, ne devait pas former dans l’origine plus de trois ou quatre volumes, mais à mesure que les savans auteurs avançaient dans leur tâche, ils ont vu leur sujet s’étendre comme de lui-même, s’agrandir et s’élargir devant eux. Qui s’en plaindra ? Ce ne sont pas les lecteurs de leurs premiers volumes, et encore moins ceux du volume qu’ils nous donnent aujourd’hui, si complet et si neuf : Judée, Sardaigne, Asie-Mineure. MM. Perrot et Chipiez ne font-ils pas peut-être dans leur Histoire de l’art une part trop large à l’architecture ? C’est la seule critique que nous oserions leur soumettre, ayant d’ailleurs nos idées à nous sur l’architecture ; et encore, et avec raison, nous répondraient-ils qu’ils n’en peuvent mais, si l’art judaïque, par exemple, est comme enfermé tout entier dans la monographie du Temple de Salomon. Contentons-nous donc de répéter qu’un tel ouvrage nous manquait, non-seulement à nous, Français, mais à la littérature de l’Europe savante, et de souhaiter, non pas son prompt, mais, au contraire, son lent achèvement. Car de pareils ouvrages ne s’improvisent point ; et, en même temps que charmé, on est effrayé de ce qu’une telle Histoire doit coûter de recherches, comme de ce que les auteurs y auront mis de labeur, de persévérance, et de talent quand l’œuvre approchera de son terme.