Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/957

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

troublées. Il n’est pas moins vrai qu’en dépit de toutes ces apparences, il y a en Europe un sentiment persistant de malaise, qu’on prend la dangereuse habitude de croire à de l’imprévu, et c’est là sûrement une de ces situations où il est tout à la fois plus nécessaire pour un pays comme la France d’avoir une diplomatie vigilante et plus difficile pour un ministre des affaires étrangères de remplir tout son devoir dans les conditions qu’on lui crée.

Ces inquiétudes vagues qui persistent ou renaissent de temps à autre, qui tiennent l’Europe sur un perpétuel qui vive, elles n’ont rien d’étonnant. On s’inquiète plus ou moins selon les momens parce qu’on sent bien que rien n’est assuré, que la tranquillité du monde repose sur des artifices ou dépend de bonnes volontés qui peuvent manquer, parce que si la paix est dans les paroles, la guerre est ou peut être dans les actes, dans cette dangereuse émulation d’armemens qui règne de toutes parts. Récemment encore à Berlin, à l’ouverture du parlement, l’empereur Guillaume parlait en prince pacifique, renouvelait les déclarations les plus rassurantes sur les intentions de l’Allemagne, et il était évidemment sincère ; mais en même temps il annonçait comme la chose la plus urgente, ces projets du renouvellement du septennat militaire et de l’augmentation de l’effectif permanent de l’armée, dont le parlement a eu dès les premiers jours à s’occuper, qui ont été déjà l’objet de vives et sérieuses discussions.

Le gouvernement, en effet, s’est hâté de soumettre ses propositions au Reichstag, sans dissimuler son désir de les faire voter au plus vite, avant Noël. Il demande par anticipation le renouvellement de cette sorte de statut qui a pris le nom de septennat, qui fixe pour sept ans l’état militaire de l’empire et qui n’expirait que dans un an. Il propose de plus, en se conformant d’ailleurs à la constitution, d’élever l’effectif de l’armée, sur le pied de paix, à un pour cent de la population constatée par le dernier recensement, ce qui augmente l’armée de 40,000 hommes et porte le chiffre de l’effectif total de paix à 468,000 hommes, sans compter les volontaires d’un an et les agens des administrations militaires. Il s’agit, dans la pensée du ministre de la guerre, de créer deux divisions nouvelles d’infanterie, une brigade nouvelle de cavalerie, un bataillon de chasseurs, vingt-quatre batteries d’artillerie, etc. Bref, c’est un accroissement sensible de l’effectif permanent, toujours disponible, c’est un ressort de plus ajouté à cette puissante machine de l’armée allemande. Malheureusement, tout cela ne se fait pas sans argent ; le résultat de l’accroissement de l’effectif est aussi une augmentation de 40 millions dans le budget militaire proposé pour une nouvelle période de sept ans, et c’est là le point délicat. Quelle sera maintenant la décision du Reichstag sur les projets du gouvernement ? S’il ne s’agissait que d’augmenter la puissance militaire, de l’Allemagne, d’accorder un supplément d’effectif dans un