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La Vallière, mais non par sa volonté, rentrer dans l’ombre, étouffer son amour et cruellement expier, elle aussi, les tendres faiblesses de son cœur?

Encore une fois, où sont les documens à consulter pour faire revivre, surtout dans sa beauté, cette noble et poétique victime de l’amour, puis de l’ambition? Cortès, cela va sans dire, ne parlait pas plus des charmes que de l’aide que lui prêtait sa belle auxiliaire, dans les admirables lettres qu’il adressait à Charles-Quint. Pourtant, si les gracieux traits de cette héroïne de l’une des plus prodigieuses épopées de notre ère sont indécis, on trouve d’elle une trace lumineuse dans tous les lieux où elle a vécu, où elle a même simplement passé. Ici, c’est une fleur à la corolle éclatante ou au doux parfum, là un oiseau à voix mélodieuse ou à plumage brillant, plus loin une source cristalline et plaintive qui portent son nom. Lors de la fête annuelle de nombre de villages qui lui durent sans doute autrefois d’avoir été épargnés par la main brutale des conquérans, une jeune fille, la plus jolie toujours, est chargée de représenter doña Marina, de remercier des bouquets dont on lui fait hommage à la façon dont le faisait autrefois, d’après la tradition, dona Marina elle-même, « par un sourire des lèvres et des yeux. »

Cette belle jeune femme, à la bonté de laquelle on rend ainsi hommage, dont on répète avec reconnaissance le nom après trois siècles et demi, ce n’est pas uniquement dans la poussière des archives qu’il faut chercher trace de son charme, de la tendresse de son cœur. Ce qu’elle a été, il faut le demander à la tradition dans les lieux où elle a passé, laissant à ceux qui la virent un impérissable souvenir de grâce, d’harmonie, de séduction, souvenir qu’ils ont personnifié et qui s’est perpétué, je viens de le dire, ici sous la forme d’un oiseau, là sous celle d’une onde cristalline, d’un arbuste au port élégant ou d’une fleur aux pétales parfumés.

Cette douce figure, qui a souffert pour avoir trop aimé et qui termina sa vie dans l’expiation d’une erreur dont elle était à peine responsable, l’idée de la mettre en lumière, de la rendre à la réalité m’a tenté de bonne heure. A défaut de documens écrits, ce fut bientôt chez moi une conviction que, pour faire revivre et présenter une doña Marina moralement et physiquement vraie, il fallait visiter la contrée où elle est née, parcourir les pays où elle a vécu, ceux qu’elle a traversés et où quelque chose d’elle est resté; qu’il fallait être, en un mot, un voyageur, un chercheur de légendes, un archéologue autant qu’un historien. Lors démon séjour au Mexique, j’ai, après une attentive lecture des chroniqueurs de la conquête, entrepris cet intéressant pèlerinage, et, peu à peu, l’image de la belle et intelligente maîtresse de Cortès s’est si nettement dessinée dans mon esprit qu’elle m’a obsédé. Je l’ai ressuscitée par l’assemblage des