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atteinte dans son affection, de la mère blessée dans son orgueil, fut-il un sentiment de révolte. Quoi! elle, l’artisan dévoué de la fortune de cet étranger auquel elle avait livré sa beauté, sa jeunesse, son amour, il allait falloir qu’elle se retirât devant une autre femme, subitement apparue? Elle dut savoir que l’autre était détestée, et qu’elle seule, ao fond, elle était aimée. Alors pourquoi la condamnait-on à disparaître, et quel rôle jouait donc Cortès dans ce drame? Quoi! il avait su la tromper, et il ne savait pas la défendre ! Encore une fois, si intelligente qu’elle fût, il y avait, dans toutes ces aventures, des conséquences, des problèmes tenant à une civilisation que la jeune femme ignorait en partie, et ce qu’on lui disait, loin de la convaincre, ne pouvait que lui paraître faux, inconciliable, irrationnel. Elle eut des heures d’agonie cruelle en voyant se taire autour d’elle tous ses amis et son amant lui-même. Elle vit, sans que personne osât la consoler, crouler son bonheur, qu’elle avait cru inébranlable, et, avec sa fortune, à laquelle elle tenait à cause de son fils, s’effondrer toutes les illusions de son esprit et de son cœur. Dans son désespoir, elle dut croire que le Christ, ce Dieu qu’elle avait adopté avec enthousiasme et au nom duquel on lui pariait, se faisait, lui aussi, le complice des mensonges des hommes.

Mais non; l’idée chrétienne resta puissante et debout dans l’âme de la pauvre désolée, et servit même à l’allégement de son chagrin. Le père Olmedo, peu à peu, eut raison des révoltes de cette âme aimante en invoquant le bonheur de Cortès. Se soumettre, se séparer de loi, c’était l’arracher au péché, lui rendre la paix de sa conscience, l’aider à réparer une faute qui pouvait lui fermer le ciel. On expliqua à la pauvre Indienne comment doña Catalina, bien que détestée, avait droit à ce premier rang qu’elle venait réclamer, et on lui présenta son malheur à elle, Marina, comme une heureuse expiation de ses faiblesses. Une expiation ! mais quelle faute avait-elle donc commise en aimant Cortès qu’elle croyait libre comme elle l’était elle-même, en le secondant dans ses entreprises, en l’implorant sans cesse pour les vaincus? Pourquoi venir, si tard, lui parler de vertus, de sentimens, de devoirs qu’on lui avait laissé ignorer, lui présenter d’innocens plaisirs comme des crimes, faire naître des remords d’actions qu’on avait applaudies? Pourquoi Cortès. pourquoi le prêtre qui savait la vérité, la lui avaient-ils dissimulée? Au résumé, la lumière dut avoir peine à éclairer, dans l’esprit de la charmante femme, tous ces points ténébreux. Ce qu’elle comprit, hélas! c’est que Cortès l’abandonnait, que le bonheur de la terre est fuyant, et elle répéta certainement les vers du roi-poète de son pays, qui disent : « Les plaisirs, les grandeurs, les richesses