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pour les hommes, 1 fr. 80 pour les femmes dans les autres départemens. Ces moyennes sont, il est vrai, la résultante de chiffres très variables. Mais comme ces variations se retrouvent dans le reste de la France, bien qu’à un moindre degré, on peut affirmer sans craindre de tomber dans l’inexactitude qu’à Paris l’ouvrier de la petite industrie gagne à peu près le double et celui de la grande industrie à peu près le tiers en sus de son pareil dans le reste de la France. Cherchons maintenant dans quelle proportion il épargne.

La moyenne générale des déposans à la caisse d’épargne rapprochée du nombre des habitans, est, d’après la dernière statistique, de 118 sur 1,000. La Seine fait partie des trente-cinq départemens qui sont au-dessus de cette moyenne, comptant 157 déposans sur 1,000 habitans. Cette proportion paraît, au premier abord, assez élevée et donne une idée plutôt favorable des habitudes économes du Parisien. Mais si l’on pénètre un peu dans le détail des opérations des caisses d’épargne, cette impression ne tarde pas à se dissiper. La moyenne de chaque livret de caisse d’épargne est, dans l’ensemble de la France, de 395 francs. Cette moyenne est sensiblement dépassée dans certains départemens. C’est ainsi, pour n’en citer que deux, qu’elle s’élève à 625 dans le Cantal, à 587 dans le Morbihan. Au contraire, elle n’est plus que de 356 dans le Nord, de 291 dans le Rhône, de 261 dans la Haute-Savoie. Mais c’est le département de la Seine qui tient le dernier rang : la moyenne n’est que de 199 francs par livret. Or, les ouvriers forment à Paris comme ailleurs plus de la moitié de la clientèle de la caisse d’épargne, les dépôts opérés par les domestiques ou les petits bourgeois représentant généralement des sommes assez élevées. Il en faut bien conclure (et la statistique confirme ici la commune renommée) que l’ouvrier parisien, cet aristocrate du travail, est moins économe que l’Auvergnat, le Breton ou le Savoyard, moins que le tisserand de Flandre ou le canut de Lyon. C’est là un fait qui mérite assurément quelque attention. Peut-être n’y a-t-il pas une relation tout à fait directe entre les habitudes d’épargne et la moralité générale d’une population. Mais le département de la Seine, qui tient le dernier rang au point de vue de l’épargne, occupe, au contraire, le premier quant au nombre des naissances illégitimes et des crimes[1]. De la prodigalité à l’inconduite, de l’inconduite à la criminalité, la pente est, en effet, rapide. Étudions donc sous ces trois aspects les mœurs de

  1. Depuis quelques années, certains départemens, tels que les Alpes-Maritimes et les Bouches-du-Rhône, comptent proportionnellement un plus grand nombre de crimes que le département de la Seine. Mais cela tient au grand nombre des Italiens qui habitent ces départemens et à leurs rixes fréquentes. Au point de vue de la criminalité française, le département de la Seine demeure le premier.